lundi 29 mars 2021

⭐ Au Carrefour des étoiles de Clifford D. Simak

"C'est une auberge, se dit-il. Un gîte d'étape. Un carrefour des étoiles."

Au Carrefour des étoiles est un roman de science-fiction de Clifford D. Simak, un classique écrit en 1963 et traduit en 1964 pour la première fois, année où il a reçu le Prix Hugo

Début avril, Nouveaux Millénaires nous propose une nouvelle traduction signée Pierre-Paul Durastanti.

Au sommet d’une falaise escarpée du Wisconsin se dresse la ferme Wallace, inchangée depuis plus d’un siècle. D’aussi loin qu’on s’en souvienne, son propriétaire, Enoch Wallace, n’a lui non plus pas pris une ride. Et pour cause, la bâtisse, qui n’a de ferme que l’aspect, abrite en secret un relais spatial où le temps s’écoule différemment. Des voyageurs galactiques y transitent quotidiennement, passant parfois quelques heures en compagnie du gardien des lieux et le régalant de leurs incroyables histoires. Mais depuis deux ans, l’agent fédéral Claude Lewis enquête sur cette anomalie. Le jour où il se décide à passer à l’action, il déclenche sans le savoir une chaîne d’événements aux conséquences dramatiques. Car dans ce petit coin d’Amérique oublié par la modernité, c’est rien de moins que le sort de l’humanité qui se joue…

Dans un écrin à la fois pulp et actuel très réussi - cf le pointeur rouge de Google Maps ! - le texte humaniste de l'auteur a pris un vrai coup de jeune, tout en continuant à fleurer bon l'ambiance des années 60.

Couverture de 1997
UN CLASSIQUE TRÈS ACTUEL
 
Nous découvrons l'histoire du point de vue d'un agent des services secrets : Lewis raconte qu'il enquête depuis deux ans sur Enoch Wallace, un homme de la campagne du Wisconsin qui ne sort de chez lui que pour relever son courrier. Il vit toujours dans la maison où il est né et paraît avoir 30 ans alors qu'il en aurait réellement... 124. D'ailleurs il aurait même combattu pendant la Guerre de Sécession ! Profitant de son absence, Lewis a tenté de s'introduire dans la maison, mais il a échoué : elle semble recouverte d'une matière dure, lisse et impénétrable et ses fenêtres sont entièrement opaques. 

Simak a un vrai talent pour les entrées en matière. Après avoir lu ces quelques pages, j'étais accrochée et prête à enchaîner les suivantes. J'ai dévoré ce livre en deux jours ! On bascule vite sur le point de vue d'Enoch, pour peu à peu comprendre ce qu'il fabrique dans cette maison qu'il appelle la station, et pourquoi diable il n'a pas pris une ride en quasiment un siècle. Réponse : les extraterrestres !!!

Contacté il y a presque une centaine d'années par un extraterrestre devenu depuis son ami et qu'il a nommé Ulysses (avec le consentement du principal concerné, qui n'avait pas de nom vocalisable), Enoch est le chef de gare de ce relais où transitent des extraterrestres de toute la galaxie. Au fil du temps il s'est familiarisé avec chaque espèce, a recueilli des cadeaux de leur part dont il ne sait pas toujours ce que c'est ni comment on s'en sert, et a couché sur le papier toutes ses observations, somme incroyable de connaissances. Un boulot passionnant, qu'il aime. 

Couverture de 1968
Évidemment, Lewis, avec son enquête, va venir bouleverser l'équilibre trouvé par Enoch. Cependant il n'est pas le seul à influer sur les événements : un Talisman permettant de maintenir la paix dans la galaxie a disparu et des tensions apparaissent au sein de l'entente galactique, comme un reflet aux tensions internationales existantes sur Terre. Au moment où Simak écrit ce livre, la guerre du Vietnam est déjà commencée depuis plusieurs années.
 
PROFONDÉMENT HUMANISTE

Simak, profondément humaniste, interroge ici les raisons de la guerre et de la mésentente entre les peuples. Au travers d'Enoch, il se fait observateur, ethnologue d'une galaxie se révélant aussi diverse que digne d'intérêt. Chaque rencontre est enrichissante et pleine de promesses malgré sa furtivité mais les différences et l'incompréhension mutuelle peuvent aussi mener au conflit. Amis extraterrestres, frères terriens, à qui ira sa loyauté ?

L'auteur nous parle également de la mémoire, du souvenir. Avec son grand âge (qui ne se voit pas !) Enoch a perdu tous ses proches, et ses milliers de registres sont une métaphore du temps qui passe, lui rappelant tout ce qu'il a vécu, mais aussi oublié. Il arrive à un moment charnière où il réalise que tout ne peut pas toujours rester en l'état... Nous sommes tous tributaires de l'entropie et j'avoue que cet aspect du roman m'a beaucoup touchée. On ne voudrait voir aucune période heureuse s'enfuir, et pouvoir maintenir le statu quo...

Il y aurait de nombreuses choses à dire sur ce texte et je suis certaine de n'en avoir pas évoqué la moitié. Je vais finir en vous parlant de Lucy, la voisine d'Enoch, jeune femme handicapée (sourde et muette) qui s’épanouit dans la nature et semble avoir d'étranges pouvoirs. Magnifique personnage, elle représente l'espoir, la beauté et la ténacité de l'humanité.

Pour résumer, Au Carrefour des étoiles de Clifford D. Simak est une petite claque ! Publié chez Nouveaux Millénaires dans une toute nouvelle traduction faite dans le respect de l’œuvre, ce roman profondément humain est un classique incontournable de la science-fiction, tout en finesse et en sensibilité. Me reste à relire Demain les chiens, qui m'attend sagement dans ma Pile A Lire.

D'autres avis, sur l'ancienne traduction : Le chien critique, Pierre-Paul Durastanti sur NooSFere, Nébal 

Au Carrefour des étoiles
de Clifford D. Simak
J'ai Lu - Nouveaux Millénaires - Avril 2021
Première parution en 1964
Nouvelle traduction de Pierre-Paul Durastanti
256 pages
Papier : 18€ / Numérique : 12,99€
Titre original : Here gather the stars / Way Station - 1963

12 commentaires:

  1. J'avais été un peu déçu par "Demain les chiens" - surtout parce que je m'attendais à autre chose - et depuis je n'ai pas osé retenter l'auteur. Voilà clairement de quoi me faire changer d'avis.

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    1. Je n'avais pas du tout accroché à "Demain les chiens" mais adoré celui-ci, si cela peut apporter une pierre à ton moulin !

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    2. @Baroona @Yogo : bande de nuls, espèce de peureux, les chiens sont l'avenir !!!
      Mais lisez ce roman, c'est une pépite de sérénité.

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    3. Je dois le relire, ça fait si longtemps... (I'm old)

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  2. envie aussi de lire après ton commentaire : j'ai apprécié les chiens !

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    1. Cool ! Je vais essayer de le relire bientôt !

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  3. Son côté gros classique me faisait un peu peur. Je suis sacrément rassurée! Allez hop, dans la wishlist!

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  4. J'avais adoré Demain les chiens, je peux donc mettre celui-ci en wish-list sans problème !

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  5. Ca donne envie de se remettre à Simak, pourtant j'ai jamais eu de gros coup de coeur jusque là. A l'occasion peut-être ^^

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    1. Oui c'est vrai que pour l'époque il avait un chouette discours

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