samedi 31 mars 2012

Women in chains de Thomas Day

Le pitch :
Mexique : Juárez. La ville monstre dévore ses femmes. Leurs souffrances et leur sang nourrissent des cauchemars si anciens que la mémoire des hommes les a oblitérés.
Allemagne : Un eros-center. Cinq étages sans ascenseur, plaisir hâté pour luxure tarifée. La romance qui naîtrait dans ces murs ne pourrait que se poursuivre dans la folie et la violence.
Groenland : L’hiver est le dernier refuge de Cassandra. La désolation glacée pour couver l’oubli. L’oubli de soi et du pouvoir de trop en voir.
Afghanistan : Nous sommes les violeurs. Mercenaires et touristes. Toubib, Bobbie, Goran, le Juif et l'Australien... En mission, mystiques, égarés. Nous sommes les violeurs. Nous sommes les libérateurs.
France : Les poings qui vengent, les pistons qui rendent les coups. Tous les coups silencieux de la lâcheté des hommes. La revanche extraordinaire sur la violence ordinaire. 

Mon avis :
Voici un recueil de cinq nouvelles, sur un sujet difficile, de Thomas Day, publié aux Editions ActuSF.

On démarre par la dédicace qui fait mal :


On poursuit par une belle préface de Catherine Dufour.

Ma nouvelle préférée est Tu ne laisseras point vivre pour son côté rude et fantastique que j'ai vraiment aimé. Le personnage principal est Cassandra, une jeune femme qui se terre au fin fond du Groenland pour une raison connue d'elle-seule. Bien sûr son prénom vous évoquera une référence mythologique évidente, et vous donnera des indications sur le côté fantastique de l'histoire ! Les femmes peuvent être libres, mais pas trop quand même...

La ville féminicide, que j'avais déjà lu dans l'anthologie Utopiales 2010 est vraiment un texte violent, révoltant. L'auteur nous propose ici une explication aux meurtres et disparitions de femmes dans la ville de Juarez au Mexique. Plutôt flippant, nous voici face à deux personnages très noirs et un dénouement plutôt choquant. Vous allez rencontrer le mal à l'état pur dans cette histoire.

J'en terminerais avec Nous sommes les violeurs qui dénonce les exactions de mercenaires en temps de guerre, durant laquelle le viol est considéré comme une arme...  C'est gerbant cette idée, ce fait même.

La postface de l'auteur a été très intéressante pour comprendre sa démarche et ses inspirations.

Dans l'ensemble, les cinq nouvelles se complètent, elles sont dures, mais nous éclairent sur ce que les hommes (et parfois les femmes) réservent aux femmes dans ce monde, et pas qu'à l'étranger d'ailleurs. Un jour un ami m'a dit "mais vous les femmes en France, vous n'avez plus de combats à mener, tout va bien pour vous". Pour certaines, oui bien sûr, malgré quelques soucis quotidiens, pour d'autres, non désolée je ne peux pas adhérer à cette remarque. Se battre pour les femmes violentées, françaises, africaines, afghanes, anglaises, mexicaines (...), que l'on soit femme ou homme reste toujours d'actualité.

Ceci est un ouvrage sur les femmes à lire par tous, et peut-être même à plus forte raison les hommes. Je cite d'ailleurs à ce sujet Thomas Day sur le forum ActuSF "...mon recueil n'est pas un bouquin pour les femmes, enfin je crois pas, c'est juste un bouquin que j'avais besoin d'écrire. C'est ma seule justification."

Thomas Day frappe fort avec ce recueil perturbant, qui fait réfléchir et sur lequel beaucoup devraient se pencher.

mercredi 28 mars 2012

Chroniques du Pays des Mères d'Elisabeth Vonarburg



Le pitch :
La stupidité des hommes a jadis ruiné la planète Terre. La sensibilité des femmes permettra-t-elle de la réparer, ou plutôt de la laisser se réparer ? C'est la question que se pose Lisbeï au cours d'une longue vie aventureuse qui va la mener du Pays des Mères, où les sexes vivent séparés, vers un avenir encore incertain où ils parviendront peut-être à se retrouver. 

Mon avis :
J'achève la lecture de mon premier roman d'Elisabeth Vonarburg. Il ne va pas être facile d'en parler, car c'est assez énorme. Par la forme (bon 600 et quelques pages, ça passe bien) et par le fond surtout, qui m'a juste impressionnée. 

Suite au Déclin, les femmes ont créé le Pays des Mères, grâce à une prophète, Garde, qui leur a enseigné la parole d'Elli. Un monde sans les absurdités et la barbarie des structures sociales précédentes. Chaque région est dirigée par une Mère, et toutes les Mères décident ensemble de l'avenir du Pays. En effet, les hommes sont des reproducteurs, ils sont peu nombreux car les naissances masculines sont réduites suite à une catastrophe et sont surtout mal considérés. Nous suivons le parcours initiatique de Lisbeï, une enfante un peu différente des autres, depuis son enfance à la Garderie. Une maladie mystérieuse tue une bonne partie des enfantes avant qu'elles deviennent adultes.

Loin du classique post-apo, Elisabeth Vonarburg nous offre un livre d'Histoire (imaginée, ce qui est époustouflant étant donnée la cohérence de l'ensemble) et de sociologie, entièrement dans la réflexion. Le récit est fouillé, avec son langage féminisé (les animales, les chevales, les papillonnes...) avec sa mythologie, ses croyances, ses rapports dans la société entre les Familles, entre les individuEs.

On y découvre aussi les Mauterres, polluées, empoisonnées, leg d'une époque révolue, qui m'ont apporté très certainement ma seule déception dans ce récit : j'aurais voulu en savoir plus !

Voici un roman qui fait réfléchir, à la place de la femme, de l'homme, de la religion, de l'amour, des enfants, de la technologie... Il y a tellement de choses que je ne peux pas tout citer.

A la base ce bouquin n'est vraiment pas mon style, mais impossible de le lâcher. Réflexion philosophique, sociologique... Un livre impressionnant, et qui marque !


jeudi 22 mars 2012

Fin du challenge Winter Time Travel 2 avec le RSF Blog


Et voilà c'est fini ! Le Winter Time Travel 2, proposé par Lhisbei sur le RSF blog est terminé, du moins dans cette ligne-ci du temps...

Quelques 28 participants ont publié 95 billets ! Pour ma part, voici les deux livres que j'ai lus et chroniqués pour l'occasion :

Utopiales 2011, l'anthologie des Utopiales chez ActuSF (Nouvelles)

Yesterday de David Blot et Jérémie Royer chez Manolosanctis (BD)

J'avais prévu de chroniquer deux autres livres, le roman Bloodsilver de Wayne Barrow et une BD de la série Jour J... Bon je n'ai pas eu (ou pas pris) le temps !

En tout cas ce fut une expérience très sympa, et cela donne énormément de pistes de lecture pour la suite, que vous pouvez retrouver dans le billet de clôture de Lhisbei.

Oh et en plus j'ai gagné l'un des deux exemplaires du Maître du Haut-Château de P. K. Dick, nouvelle traduction chez Nouveaux Millénaires ! Grand merci !

dimanche 18 mars 2012

♥ Les Créateurs de Thomas Geha

Le pitch :
Il était une fois rien du tout. Il était une fois six histoires où le lecteur se retrouve confronté à des situations improbables quoiqu'étrangement familières. Et si vous pouviez faire revivre un être disparu ? Et si votre rêve le plus fou pouvait se réaliser ? Et si votre vie était factice ? Et si l'amour n'était qu'un éternel recommencement ? Et si et si et si.

Mon avis :
Les nouvelles et romans de Thomas Geha sont toujours très différents. Dans les premières, toute sa sensibilité s'exprime, dans les seconds son sens de l'aventure reprend le dessus. Ce qui donne, dans un cas comme dans l'autre, des textes de qualité et un plaisir toujours intact.

Ce recueil constitue donc pour moi, fan des romans de l'auteur, une autre manière de le redécouvrir. Et ceci avec un grand bonheur !

Je note d'abord la préface de Philippe Ward et Sylvie Miller, totalement dithyrambique et barrée, à laquelle je ne peux qu'adhérer et qui s'intitule Si Thomas Geha n'existait pas... (un de mes pires cauchemars !!) 

Lorsque vous aurez terminé la lecture de ces nouvelles,
vous n'aurez qu'une seule envie :
dévorer d'autres textes de Thomas Geha. Parce que c'est addictif.

Je vais juste parler des nouvelles que je retiens plus particulièrement, même si les six m'ont plu.

Bris : petite touche SF du recueil - qui s'oriente plutôt fantastique - cette histoire dérangeante nous présente Bris/Brice, un amnésique qui se retrouve dans une ville glauque et sans issue comme je les aime, à savoir La Verrue. Avec l'aide de sa compagne, qui l'a recueilli, il cherche des informations sur son passé... Mais il y a parfois des raisons à l'oubli.

La Verrue. Quel nom étrange pour une ville.
On la dirait née du songe tordu d'un malade mental.

Dans les jardins : le texte inédit du recueil, poétique et sensible, qui se passe dans notre belle Bretagne. J'ai découvert le principe de la lanterne magique, ancêtre de la diapo. Son utilisation par Kaddiern est vraiment très surprenante ! J'espère qu'un jour mon jardin ressemblera à celui-ci.

Un après-midi, alors qu'il passait les herbes hautes à la faucille près du mur de la maison, Kaddiern glissa dans ce qu'il crût être un simple trou.

Sumus Vicinae : dernière nouvelle du livre et pas des moindres, elle a été écrite en hommage à Nicholas Lens, un compositeur contemporain, dans le cadre du recueil Flammagories. Dans cette histoire, les notes ont remplacé la pluie, les larmes, et les humains côtoient les cyclopes. Un homme va, sans le vouloir, tuer sa femme de manière étonnante, et partir en quête d'une explication...

Il notait à verse.
Un sombre requiem. Les notes s'écrasaient avec tristesse sur le sol
et sans bruit sur mon imperméable noir.


Thomas Geha aime raconter des histoires d'amour impossibles, contrariées, fatales, pour le plus grand plaisir de ses lecteurs !

Il nous offre ici des textes très travaillés, dans une langue soutenue et ensorcelante, des nouvelles poétiques qui font réfléchir, s'interroger. C'est un recueil d'une qualité bluffante publié par les Editions Critic, avec une couverture de Laurent Guillet, un incontournable que je vous recommande plus que chaudement ! En plus, sérieusement, 13 euros, c'est donné pour un petit bonheur pareil.

samedi 10 mars 2012

Le massacre des innocents, Chroniques barbares de Mallock

Le pitch :
La tour Eiffel, un ciel bleu, un soleil citron, une petite fille en robe jaune à pois blancs, ses parents, son frère, un policier en sueur. Brutalement, l'homme en uniforme ouvre le feu! Ainsi commence la nouvelle enquête du commissaire Mallock. Un peu partout en France, les massacres s'enchaînent. Virus? Secte? Terrorisme? Le mystère est total, la panique à son comble. Le pays apprend à vivre avec le couvre-feu et l'armée dans la rue. Mallock et son équipe enquêtent dans une atmosphère de folie furieuse. Le commissaire, autant redouté pour son expertise que célèbre pour ses intuitions, saura-t-il arrêter le massacre des innocents ? 

Mon avis :
Voici un thriller avec une couverture bien inquiétante et stressante et un pitch très intéressant.

L'idée de départ est originale et plutôt bonne : des massacres sont commis dans divers endroits de France, sans lien apparent entre les forcenés ou les victimes. Bien sûr Mallock, commissaire au Quai des Orfèvres, va flairer l'embrouille.

Trois minutes passèrent. Hurlements, ricochets métalliques des balles
sur la structure de fer, sang, terreur et déchirement de chair.
Dessacre avait vidé tous ses chargeurs. Alors il se baissa pour les récupérer et les recharger.

De prime abord, j'ai trouvé Mallock, le personnage principal, assez caricatural du genre : un commissaire très doué mais brisé par la vie suite à la perte de son enfant de manière violente. C'est le personnage torturé par excellence. Il a comme des révélations, lorsqu'il plonge dans son inconscient, sous alcool ou sous opium... Il se réveille avec des "intuitions" qui font avancer l'enquête. Cela peut paraître un peu facile, mais l'auteur semble s'interroger sur les mécanismes de l'inconscient bien qu'il nous laisse un peu dans le flou : sont-ce des déductions de l'inconscient ou des révélations fantastiques ? Il est bien sûr entouré d'une équipe compétente !

Le roman est jalonné de références, notamment SF, telles que Blade Runner, et aussi de recettes de cuisine car attention notre héros est un fin gourmet !

Ce roman est violent, glauque et gore comme je les aime (d'ailleurs un débat sur ce sujet est à retrouver ici !) avec certes quelques facilités mais une intrigue bien ficelée et plutôt inédite.

Vous pouvez lire le prologue sur le site de l'auteur.

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