jeudi 14 janvier 2021

★ Emissaires des morts d'Adam-Troy Castro

"Nous sommes tous des créatures d'une espèce inconnue ; tous des énigmes. Et si on ne se comprend pas, le moins qu'on puisse faire, c'est d'essayer."
 
Émissaires des morts est un recueil de quatre nouvelles/novellas et un roman d'Adam-Troy Castro paru chez Albin Michel Imaginaire. C'est le premier tome d'une intégrale des aventures d'Andrea Cort.

Quand elle avait huit ans, Andrea Cort a été témoin d’un génocide. Pis, après avoir vu ses parents massacrés, elle a rendu coup pour coup. En punition de ses crimes, elle est devenue la propriété perpétuelle du Corps diplomatique. Où, les années passant, elle a embrassé la carrière d’avocate, puis d’enquêtrice pour le bureau du procureur. Envoyée dans un habitat artificiel aussi inhospitalier qu’isolé, où deux meurtres viennent d’être commis, la jeune femme doit résoudre l’affaire sans créer d’incident diplomatique avec les intelligences artificielles propriétaires des lieux. Pour ses supérieurs, peu importe quel coupable sera désigné. Mais les leçons qu’Andrea a apprises enfant ont forgé l’adulte qu’elle est devenue : une femme pour le moins inflexible, qui ne vit que pour une chose, « combattre les monstres ».
 
Ce sont donc quatre nouvelles/novellas et un roman que contient ce beau pavé de 720 pages, avec une couverture à tomber de Manchu ! 
 
Ils sont publiés dans l'ordre chronologique de l'histoire et non de l'écriture, un choix qui, après lecture, semble particulièrement pertinent.
 
AVEC DU SANG SUR LES MAINS
 
Ce premier texte m'a immédiatement accrochée ! Il pose bien les bases du personnage : Andrea Cort est la propriété du Corps diplomatique dans le Système Mercantile. Enfant, elle a participé à un génocide, apparemment contre sa volonté, et est marquée à vie par cette honte et ce massacre. Maintenant, elle remplit par obligation des missions diplomatiques plus ou moins secrètes, et n'est pas aussi docile que ses patrons le voudraient. Elle a aussi des capacités de déduction hors normes !

Avec du sang sur les mains est une nouvelle sur l'altérité mais aussi sur les compromissions politiques. Le Peuple Zinn, en voix d'extinction pour son incapacité à se défendre et surtout à attaquer, souhaite acquérir un meurtrier humain, dans un but obscur et surtout en échange d'une technologie très avancée. Andrea défend les droits du meurtrier et doit décider si oui ou non la transaction aura lieu. Elle rencontre lors d'une soirée officielle une jeune Zinn, Première Offerte, avec qui elle a une conversation, ce qui provoque un incident diplomatique.

Un texte futé !
 
UNE DÉFENSE INFAILLIBLE 

Cette seconde nouvelle m'a moins plu, cela dit la plume reste fluide et prenante. Tasha, une collègue d'Andrea est en mission secrète et traquée. Ce récit est néanmoins l'occasion de présenter un peu plus clairement le monde où vit Andrea : Nouvelle-Londres et son environnement technologique et professionnel. On a vite une idée de l'ambiance exécrable qui l'entoure, mêlée au fait qu'elle n'est pas non plus très sociable. 
 
On voit aussi les capacités de déduction d'Andrea, qui ressemble à un Sherlock du futur, meurtrie, traumatisée mais déterminée et supérieurement intelligente.

LES LÂCHES N'ONT PAS DE SECRET

Ce qui a déjà été entrevu dans la première nouvelle devient évident dans Les Lâches n'ont pas de secret. Ce sont bien des crimes et leurs châtiments dont parle l'auteur, notamment ceux que l'on s'inflige à soi-même. Dans cette histoire, Cort doit faire la lumière sur l'aspect juridique d'une condamnation sur une planète éloignée : le coupable pense pouvoir choisir entre une peine de mort horrible et un dispositif qui le rendrait inoffensif à vie. Andrea doit découvrir s'il en a le droit et pourquoi cela ne lui a pas été proposé. 
 
J'aime beaucoup cet aspect juridique des aventures de notre (anti-)héroïne, au final elle ne recherche pas le bien ou le mal, mais comment se situent les actions des personnes accusées au regard des lois de la société où elles ont été commises.

DÉMONS INVISIBLES

Là c'est du très costaud. Cette novella d'une centaine de pages nous emmène sur Catarkhus, une planète où les missions diplomatiques de plusieurs civilisations tentent de mieux connaître les autochtones. Un humain ("Homsap" pour sapiens), Sandburg, a tué plusieurs autochtones. Andrea est envoyée sur place pour déterminer si l'accusé doit être jugé par les Catarkhiens ou par les humains. 
 
"Quelle était l'existence des gens dénués de boussole morale comme Sandburg ? Quel effet ça faisait, de ne jamais éprouver de honte, de regrets ou d'embarras ? De ne s'inquiéter que d'une chose : ne pas se faire prendre ? Cela devait avoir un côté libérateur."

Adam-Troy Castro me semble aborder ici les notions philosophiques du bien et de mal, ainsi que la question de la sentience (qui est considéré comme sentient ? Qu'est-ce qui ne l'est pas ?) tout en nous proposant un divertissement passionnant. C'est aussi l'occasion d'en apprendre un peu plus sur les circonstances du génocide qui a traumatisé Andrea dans son enfance. 
 
La fin de la novella est quasi mindblowing, et j'ai vraiment eu hâte de commencer le roman Émissaires des morts !

"- Je n'ai simplement pas une très haute opinion des formes de vie sentientes en général.
Le front de son collègue se rida davantage.
- Toutes les formes de vie sentientes ?
- Si c'est capable de penser, c'est indigne de confiance."
 
EMISSAIRES DES MORTS
 
De retour de mission, Andrea Cort est déroutée vers un habitat artificiel construit par les IAs-Sources. Deux meurtres ont eu lieu parmi la délégation humaine sur place, elle va devoir démêler les fils d'une histoire et par la même occasion de sa propre histoire ! Mais quelqu'un lui envoie des menaces de mort particulièrement explicites...
 
J'ai adoré cet habitat appelé Un Un Un : il est incroyable, c'est un long cylindre sans haut ni bas, peuplé par des dragons et un peuple sentient (les Brachiens) créé par les IA. On y retrouve l'inventivité de l'auteur, un vertige (au propre et au figuré) tout science-fictif, et des personnages plutôt savoureux (qu'ils soient psychopathes, fusionnels, ou méga mystérieux).
 
Le roman passe à la première personne après des nouvelles à la troisième personne, au début j'ai été surprise et puis je m'y suis faite, surtout que ça sert totalement le propos en rendant les choses plus subjectives.

L'enquête de Maître Cort est rude et lui fera découvrir des vérités difficilement soutenables. Je ne veux pas en dire trop sur l'intrigue, sachez juste que c'est bien mené, c'est passionnant, et j'attends de pied ferme la suite des aventures d'Andrea Cort en juin yeah !
 
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Pour finir, je me lance dans un petit projet intitulé "Une nouvelle histoire commence", et cette chronique en sera un test : la médiathèque La Canopée à Paris enregistre les trois premières pages de certains livres en audio pour mettre en avant son fonds, les médiathécaires ont appelé ça Incipit, au commencement du livre
 
 
Je me suis dit que ça pourrait être sympa de vous lire le début de certains livres que je chronique. Je me suis donc adressée à Gilles Dumay, directeur d'Albin Michel Imaginaire, qui a obtenu de haute lutte les autorisations nécessaires pour que je puisse enregistrer et diffuser un extrait de la première nouvelle de ce recueil. Cette bande son s'autodétruira contractuellement en janvier 2028.
 
Bref, voici donc les trois premières minutes d'Avec du sang sur les mains, la première nouvelle de l'ouvrage Émissaires des morts d'Adam-Troy Castro traduit par Benoît Domis et publié chez Albin Michel Imaginaire. Cela correspond aux deux premières pages. Vous excuserez l'aspect amateur de la chose, je n'ai pas de matériel spécifique ni encore beaucoup d'expérience ! 
 
Vous pourrez retrouver les futurs extraits sur Soundcloud !
 
 
Laissez vos retours en commentaire, ils seront appréciés 😊

Émissaires des morts
d'Adam-Troy Castro
Albin Michel Imaginaire - Janvier 2021
720 pages
Traduit de l'américain par Benoît Domis (qui écrit "fautrice de troubles" et on l'aime pour ça !)
Illustration de couverture de Manchu
Papier : 26,90€ / Numérique : 13,99€
Titre original : Emissaries from the dead - 2008
 

14 commentaires:

  1. C'est la classe !
    J'étais moyen attirée par ce livre mais je vais y prêter plus attention grâce à toi :)

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  2. Ce projet est trop cool !! Félicitations 😍
    Et je partage ton avis sur émissaires des morts :3

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    1. Merci !! Et oui c'est un excellent bouquin qui mérite le détour !

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  3. Belle idée que cet enregistrement audio et tu t'en sors très bien :)

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  4. Ah le voilà le grand projet ! C'est très sympa comme idée. (Bonne chance pour les prochaines autorisations, ça a l'air compliqué...)

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    1. Le voilà enfin ! Merci !
      Alors Gilles m'a bien dit que maintenant qu'il sait comment faire et à qui s'adresser, ce sera plus simple pour les livres AMI. Les francophones ça devrait aller aussi, enfin au final ce sont les américains qui sont compliqués et probablement les gros éditeurs. J'ai déjà l'autorisation pour le prochain, sur l'anthologie Années folles !

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    2. Oh, ça n'a fait intervenir que cinq personnes différentes chez Albin Michel...

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    3. Je suis trop désolée 😅 merci 😁

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  5. Excellent, c'est une belle expérience de passer de l'autre côté.
    D'autres à venir donc ...

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  6. Intéressant, ça donne envie. Et c'est sympa d'entendre le début (même quand on accroche pas au format audio xD)

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