dimanche 30 mars 2014

☺ Fiction n°18, la revue qui défie la gravité


J'ai craqué pour la nouvelle mouture de la revue Fiction, le numéro 18 de ce printemps 2014, "propulsée" par les Indés de l'Imaginaire (ActuSF, Mnémos et Les Moutons électriques). A vrai dire, je n'avais jamais lu l'ancienne version, je ne suis donc pas dépaysée. Tout ce que je peux dire, c'est que ce "mook" est de qualité, sur la forme (Aurélien Police est le directeur artistique, ça joue), comme sur le fond.

Mais, c'est quoi un "mook" ? Un néologisme qui réunit les mots magazine et book ! Effectivement, le mot est complètement adapté à l'objet, beau comme un livre, et avec du contenu de magazine : des rubriques, des interviews, des nouvelles.

J'ai décidé de le lire dans le désordre, en papillonnant sur ce qui me faisait le plus envie. J'ai donc commencé par le dialogue entre Jaworski et Niogret, mes deux auteurs de Fantasy français préférés. Ils y parlent essentiellement de leurs pratiques et de leurs derniers romans, à savoir Même pas mort pour Jaworski, et Mordred pour Niogret, deux bouquins coups de cœur à lire absolument ! Cet article est à la fois érudit et plein d'humour, et nous permet de comprendre certaines motivations, certains choix vis à vis de leurs écritures. Un régal ! (Le dialogue Ayerdhal / Spinrad m'a moins parlée, étant peu familière de leurs œuvres respectives)

J'ai ensuite attaqué par hasard la rubrique De l'autre côté du miroir, réalisée par Catherine Dufour au texte (intitulé Tout corps plongé dans un liquide - l'auteur changera à chaque numéro) et Patrick Imbert à la photo. Je sais que cette production bizarre a laissé pas mal de monde dubitatif. Je ne fais pas exception. Le texte est intéressant, même si le gras n'est pas un sujet très ragoutant. Le problème, ce sont les photos. Alors bien sûr, cela colle à une partie du sujet : la rencontre du quotidien. Certes, on est en plein dedans, des photos de personnes à la plage (enfin de corps à la plage). Mais l'impression qu'il me reste, c'est quelque chose de non seulement banal, mais aussi vulgaire. Ce qui, en soi, pourrait après tout ne pas être dérangeant, la photo c'est subjectif, chacun ses goûts, mais quand on m'annonce dans le chapeau que je suis censée voir "un réenchantement poétique du monde", j'ai comme un doute...


Puis, j'ai lu la magnifiquement nommée Les mains dans le cambouis, la tête dans les étoiles (j'adore) sur les thèmes entre science et science-fiction. Cette fois, c'est Alex Nikolavitch qui a rédigé un texte de vulgarisation autour du mutant en science et son utilisation en science-fiction, son interprétation et les variantes autour du sujet. Très intéressant, beaucoup de références dans l'article et dans la "boîte à outils" qui l'accompagne, plein d'humour.

Des nouvelles du futur nous présente une chronique de Nicolas Nova sur la reconnaissance du visage par les machines. Une étonnante réflexion qui ne m'était jamais venue à l'esprit.

Passerelles de Julie Proust Tanguy, est une rubrique qui étudie le labyrinthe en littérature.


Côté nouvelles, plus ou moins dans le désordre :

Je commence par les déceptions, ce sera fait : pas fan de la nouvelle de Timothée Rey (je crois que je n'y arriverais jamais) et je n'ai pas aimé Quatre cent millions d'années de réflexion d'Utley. Pique-nique à Pentecôte de Rand B. Lee m'a échappé. J'y ajoute Les Véritables Chroniques Martiennes de John Sladek qui est un texte sympathique, qui reprend le contexte créé par Bradbury : une famille emménage sur Mars et découvre les us et coutumes du lieu et des habitants. Les enfants ne cessent de tomber dans le canal et un ancien militaire tente de persuader le père de construire un abri anti-atomique si la planète se faisait bombarder. Ajoutez à cela des denrées rares qui se font voler dans la cave et vous avez toute l'histoire. Plutôt drôle, mais complètement anecdotique.

La nouvelle de Robin Hobb tirée de son recueil Liavek (qui semble être un univers partagé dans lequel écrivent différents auteurs anglo-saxons) s'intitule Hasard de naissance et nous emmène sur les pas de Kaloo, orpheline qui évolue dans un monde de fantasy, et cherche à connaître sa date de naissance, car ce jour est, pour chacun des habitants de Liavek, le moment de l'année où ils ont accès à la chance, autrement dit à la magie. C'est bien écrit, ça me réconcilie un peu avec la dame qui m'avait saoulée, n'ayons pas peur des mots, avec Le Dieu dans l'ombre. 

♥ Le texte de Ken Liu est vraiment superbe. Trajectoire une nouvelle étonnante sur l'instinct maternel (ou pas) et sur l'intérêt de la prolongation de la vie, voire de la vie éternelle. Il y a de l'amour, de la réflexion, une réussite ! Une des nouvelles à lire absolument dans ce Fiction. J'avais fait la connaissance de l'auteur dans Galaxies n°21.

Gipsy Nuke d'Estelle Faye se passe dans un futur proche, les frontières sont fermées, et seuls les gitans, qui se sont unis pour survivre, sont autorisés à les traverser : ils sont les seules personnes qui entretiennent les centrales nucléaires. Ils sont irradiés, malades, mais continuent leur travail. Ioulia, une riche mafieuse ukrainienne génétiquement modifiée cherche quant à elle à éprouver les émotions dont elle est privée par procuration. Elle va faire la rencontre de Janos. Un texte à la fois noir et beau. A lire !

La Rive d'en face d'Elizabeth Hand est un texte sensible, un peu angoissant, bien mené, sur un ancien danseur face à la nature.

L’Éternité dure longtemps de Sonia Quémener est une belle surprise, texte dans lequel un fantôme de physicienne s'interroge scientifiquement sur ses semblables, pourquoi sont-ils encore là, comment se déplacent-ils... Avec un côté très poétique.

Dynacostume™ de M. K. Hobson est une nouvelle corporate qui contient une IA pas commode et un homme plus ou moins ambitieux fan de Sinatra. Sympathique.

Enfin Esprits tordus de Albert E. Cowdrey est un texte d'espionnage qui tourne autour du mutant. On y parle de Poutine (sans le nommer) et j'avoue que c'est d'une actualité saisissante.

Pour résumer, je suis convaincue par ce Fiction nouvelle mouture (le n°18) édité par Les Indés de l'Imaginaire. La promesse du mook est tenue : un bel objet, un vrai livre, dans lequel on retrouve d'intéressantes rubriques, des nouvelles SF et fantastique et deux interviews croisées. Un plaisir pour les méninges ! A commander par ici.


L'avis de Cédric Jeanneret, Lorhkan

http://unpapillondanslalune.blogspot.fr/2013/12/jlnn-on-continue.html

Lecture n°2 dans le cadre
du challenge SFFF au féminin
à retrouver sous le tag "auteurEs"

2 commentaires:

  1. Hé ben, ça, c'est de la chronique complète :)

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  2. Carrément, une étude en profondeur !
    Globalement on se rejoint, même si je suis moins enthousiaste que toi sur "Gipsy Nuke" mais plus sur "Quatre cent millions d'années de réflexion". La nouvelle de Ken Liu est sans doute la pièce maîtresse des récits présentés.
    Et l'interview croisé Niogret-Jaworski est absolument remarquable !

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