jeudi 3 juin 2021

⭐️ Numérique : Brevis est de Marina & Sergueï Diatchenko

"Nous sommes tous enchaînés."

Numérique : Brevis est est un roman de science-fiction de Marina & Sergueï Diatchenko, les auteurs du multi-primé Vita Nostra ! C'est d'ailleurs le second tome (indépendant) du triptyque des Métamorphoses qui leur a été inspiré par l’œuvre d'Ovide. L'Atalante publie ce livre remarquable dont on ne ressort pas indemne.



Testeur de jeux vidéo d’une nouvelle génération ? Une aubaine pour Arsène, ce gamer surdoué d’à peine quinze ans. Mais, ce job en or, il n’est pas le seul à y postuler et la compétition sera rude.

Tout cela pour le compte de l’insaisissable Maxime, dont les desseins sont ambigus. Pur charlatan ? Aimable manipulateur ? Visionnaire d’un monde virtuel à venir ? Ou plus déconcertant encore ? « Je transfigure le matériel en immatériel et inversement. »

Entre désir et réalité, demi-vérités et faux-semblants, entre virtuel et réel, Arsène apprend à naviguer d’un monde à l’autre, là où les frontières s’estompent. Mais pour aller où ? L’enjeu est rien moins qu’innocent.

👉 Le questionnement de la réalité, l'addiction et la manipulation de masse sont au cœur de ce roman coup de poing.

AUX FRONTIÈRES DU VIRTUEL

Arsène, ado surdoué, est un gamer qui excelle au jeu Bal royal, dans lequel il joue le rôle du distingué et puissant Ministre. Il est aussi vendeur de chiots numériques à ses heures. Pendant ce temps, sa mère navigue sur des blogs et son père regarde la télé. On se rend peu à peu compte que chacun est accro à son écran, et bien que les parents d'Arsène tentent de le désintoxiquer, eux-mêmes n'ont pas plus la volonté de résister que lui. 
 
Arsène est un jour approché par Maxime qui lui propose de travailler pour lui s'il réussit à passer certains tests qui consistent à... jouer au jeux vidéos, contre ou avec d'autres prétendants au poste. Il va lui apprendre à manipuler le virtuel... puis le réel. Cette capacité effrayante fera énormément douter Arsène de la réalité et lui fera questionner la frontière entre le bien et le mal, qu'il est bien possible qu'il franchisse plus ou moins allègrement.

"Son père était accro au flux ininterrompu des informations que la télé lui déversait en intraveineuse. Peu importait s'il était question d'une crise mondiale ou d'un gamin fauché par un chauffard ivre - c'était de l'information, celle qu'il fallait absorber, celle qui vous excitait."

Numérique utilise un schéma identique à Vita Nostra : l'initiation d'un adolescent, par un adulte, aux secrets des dimensions cachées de l'univers, dans un but obscur qui tiendra le lecteur en haleine tout au long de l'histoire ! Je l'ai ressenti un peu comme un American Gods, avec ses dieux modernes ancrés dans notre époque.

BIENVENUE DANS LA MATRICE

"Tu es infecté par un virus."

Arsène va donc faire l'expérience de diverses façons de jouer, pour  se rendre compte que ce qu'on lui fait, et ce qu'on lui fait faire n'est rien d'autre que de la manipulation, à petite puis à grande échelle. Dans un camp de vacances banal, trois équipes de joueurs seront ainsi constituées de manière arbitraire, et à force de jouer à la guerre les unes contre les autres, amenées  à se battre dans la réalité.

De fil en aiguille, les Diatchenko tissent leur toile autour de leur protagoniste, et le virtuel et le réel s'emmêlent et parfois se confondent, comme lorsqu'Arsène est victime d'un virus... probabiliste. Nos perceptions et celles d'Arsène sont alors remises en question, à l'instar du libre-arbitre des personnages.

"Tout ce en quoi nous croyons existe."

Thème au final assez classique, la question de savoir si l'on vit dans une simulation ou pas plane méchamment sur Numérique. Immanquablement, on pense au film Matrix.

BOOMER OR NOT BOOMER, THAT IS THE QUESTION

J'ai été prise par cette lecture passionnante de A à Z mais je me suis parfois interrogée. C'est une évidence que les écrans et les médias peuvent créer une réelle addiction sans utilisation raisonnée, et peuvent servir la propagande (les auteurs sont unkrainiens, rappelons-le). Cependant, le discours oppose clairement pique-nique à la campagne et jeu vidéo. 

Toutefois je répondrai NOT BOOMER, parce que dans Numérique comme en tout, le problème, et il est explicité dans le roman, c'est l'excès. C'est ne pas savoir s'arrêter, ne plus pouvoir s'arrêter sans intervention extérieure, et pire, qu'une intervention extérieure vous empêche de décrocher et vous presse comme un citron. 
 
👉 Avec Numérique, les Diatchenko nous offrent un voyage original et réussi dans les mondes numériques. Arsène y vit des aventures aussi extraordinaires qu'effrayantes, tout comme le lecteur ! Le questionnement de la réalité, l'addiction et la manipulation de masse sont au cœur de  l'histoire. Le final coup de poing achève de faire de Numérique un roman incontournable, et donne une dimension supplémentaire au complément du titre : Brevis est. A lire chez L'Atalante.

D'autres avis : Ombrebones, Célindanaë

Numérique : Brevis est
de Marina & Sergueï Diatchenko
L'Atalante - Mai 2021
416 pages
Traduit du russe par Denis E. Savine
Illustration de couverture par Dorian Danielsen
Papier : 23,90€ / Numérique : 15,99€
Titre original : Цифровий, або Brevis est - 2009

8 commentaires:

  1. Merci pour le lien !
    Clairement pas boomer, c'est pas antitechnologique, c'est anti excès. Je trouve que c'est bien représenté, c'est ce qui m'a fait adorer. J'ai si hâte de lire le 3 **

    RépondreSupprimer
  2. C'est bien beau tout ça, mais il reste une question : Prix PSF 2022 ?

    RépondreSupprimer
  3. Intéressant... bon je vais attendre que tout le monde arrête d'en parler pour le lire sans trop d'attentes comme je commence à voir des retours contradictoires 😄

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui, il est en dessous de Vita Nostra dû à des longueurs et redondances, mais sincèrement c'est quand même bien au dessus de la mêlée

      Supprimer
  4. Je rejoins pleinement ton avis, c'est un carton plein pour les Diatchenko!

    RépondreSupprimer

Pages vues