samedi 26 septembre 2020

Eriophora de Peter Watts

"Les trous noirs sont les poubelles ultimes."

Eriophora est une novella de Peter Watts parue chez Le Bélial, une longue novella de Hard-SF dont on aurait pu penser qu'elle me ferait fuir. Erreur ! Voici le premier ouvrage de l'auteur canadien que 1. je finis, 2. j'apprécie.

Ils sont trente mille.
Ils voyagent depuis soixante millions d’années.
Leur mission : déverrouiller la porte des étoiles…

Ils rampent à travers la galaxie, pareils à des fourmis, en sommeil pendant des millénaires, se réveillant juste assez longtemps pour lancer un chantier d’un système solaire à l’autre. Ils vivent au fil d’instants répartis le long des millions d’années, au service d’ancêtres morts depuis une éternité, pour des descendants n’ayant plus rien de commun avec eux. À vrai dire, ce ne sont pas des dieux mais des ouvriers, des hommes des cavernes vivant dans des astéroïdes évidés, lancés dans une mission sans fin pour étendre un empire posthumain qui ne répond même plus à leurs appels…

Vue en coupe du vaisseau

Eriophora, c'est le nom de ce vaisseau qui n'en est pas un... C'est en fait un astéroïde transportant un trou noir, ainsi que 30 000 humains conçus pour sa mission. Il est doté d'une IA. Il parcourt la galaxie depuis plus de 66 millions d'années, afin d'installer des portails utilisant des trous de ver.


L'IA, nommée Chimp, est volontairement d'une intelligence restreinte et a besoin de réveiller quelques humains de temps en temps (genre tous les 100 000 ans) pour résoudre des problèmes qui demandent une pensée un peu plus complexe que la sienne. Chimp est d'ailleurs surnommé "Stupidité Artificielle" par la narratrice humaine Sunday, qui se surnomme elle-même et ses semblables la "Viande" (alors que leur réelle appellation serait plutôt les spores, mais en fait cela dépend des moments et de votre valeur). 

Sunday a presque une relation amicale avec Chimp. Mais quand une de ses amies, Lian, se questionne sur le dépassement de la durée prévue de leur voyage, le but et l'utilité de leur mission et tout simplement le sort de cette humanité qui les a envoyés dans l'espace des millions d'années plus tôt et ne donne plus signe de vie, cela risque de remettre en cause l'ordre établi sur l'Eriophora.

 "La tête de l'humanité dans le cul de la galaxie"  

Pour de la Hard-SF, ce récit est étonnamment accessible ! Dès le début, on est absorbé par la vivacité de la narration. Le décor spatial et temporel est posé et devient rapidement vertigineux. Peter Watts évite les écueils du genre - comme de vous noyer sous les données techniques et scientifiques - pour plutôt vulgariser son propos. Il y ajoute une touche d'humour (souvent noir) et un peu de poésie, le tout concourant à une lecture fluide et agréable.

"Pourquoi s'embêter avec la physique si on ne peut pas lui confier sa vie ?"

Eriophora ne manque pas de Sense of Wonder, avec son échelle de temps quasi inconcevable, son vaisseau-astéroïde immense, ses créatures étranges et agressives surgissant parfois des portails... Certes, l'enjeu du face à face humains VS IA est un classique de la lutte pour le pouvoir, mais il est aussi très efficace.

L'auteur nous propose aussi un petit jeu de décodage, et communique avec le lecteur comme les humains de la rébellion le font entre eux. Un aspect très ludique de cette lecture qui a donné du fil à retordre à l'éditeur, même après publication - car dans la version epub originale, le jeu n'était pas assez visible, mais le problème a été réglé en 24h par l'équipe du Bélial, que je salue !

Vous pouvez retrouver des nouvelles dans le même univers dans le recueil Au-delà du gouffre de l'auteur, disponible aussi chez Le Bélial. J'ai pour ma part pu penser à Destination Ténèbres de Robinson, essentiellement pour cette sensation vertigineuse et dérangeante du voyage spatial sans fin et sans finalité.  

Vous noterez la magnifique couverture de Manchu, ainsi que les chouettes illustrations intérieures concoctées par Cédric Bucaille, également auteur des couvertures et illustrations de la collection Parallaxe. Parfait !

 

Lecture n°13 pour le Projet Maki

 Eriophora
de Peter Watts
Le Bélial - Septembre 2020
224 pages
Traduit de l'anglais (Canada) par Gilles Goullet
Illustration de couverture de Manchu
Illustrations intérieures de Cédric Bucaille
Papier : 18,90€ / Numérique : 8,99€
Titre original : The freeze-frame revolution - 2018

12 commentaires:

  1. Je viens de le finir. J'ai beaucoup aimé aussi. Enfin un univers de Peter Watts qui me convienne !!!

    Bisous aussi.

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    1. Oui à moi aussi ça me convient, ça m'a donné envie de lire les nouvelles du coup !

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  2. De la Hard-SF accessible, est-ce vraiment de la Hard-SF ? =P

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    1. On peut se le demander. Mais surtout on peut en REdemander !!

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  3. Il donne très envie quand-même ce livre :)

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  4. J'ai beaucoup aimé L'île qui se situe dans le même univers, faudra que je lise cette novella à l'occasion.

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  5. Bisous licornes à toi aussi! ^^
    Cette novella me faisait trop peur. Tu me rassures. Mais ça n'arrangera pas l'état de ma PAL ... oups

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