dimanche 13 octobre 2019

Cadavre exquis d'Agustina Bazterrica

"Aujourd'hui, elle vend même des brochettes d'oreilles et de doigts qu'elle appelle des brochettes mixtes."

Cadavre exquis est un court roman d'anticipation et d'horreur d'Agustina Bazterrica publié chez Flammarion.

Un virus a décimé la totalité des animaux vivant sur terre. (Faux, un virus a rendu les animaux impropres à la consommation humaine). Pour survivre, les hommes ont développé une race d'origine humaine élevée exclusivement comme bétail pour la consommation. Un jour, un homme s'éprend d'une telle femme. En cachette, il va peu à peu la traiter comme un être humain, alors que pour cela, il risque la peine de mort.

Il se trouve que durant cette lecture se voulant éprouvante, j'ai parfois ri. J'ai ri du ridicule de la situation, de son improbabilité quasi-totale en l'état. 

Ne vous y trompez pas, j'ai bien compris le propos de l'autrice. Son analogie animaux/humains est tellement flagrante qu'il serait difficile de passer à côté. C'est bien ça le problème.

Quoiqu'il en soit, Cadavre exquis, c'est d'abord cette couverture superbe. Elle attire l’œil, c'est inévitable !

Le texte commence par des phrases courtes, presque saccadées. Le lecteur se rend vite compte qu'il est dans la tête d'un homme qui travaille dans un abattoir, hérité de son père. Haut placé, il connait toutes les ficelles du métier et fait le tour de toutes les activités s'y raccrochant : les éleveurs et vendeurs de "têtes" (comme on les appelle), les transporteurs, puis l'abattoir, le tanneur et enfin la boucherie, toute la chaîne de la viande y est, et bien sûr, on a droit à une visite en règle.

Seulement cette viande, c'est de la viande humaine. Car il se trouve que tous les animaux ont contracté un virus qui les rend impropre à la consommation (mouais). Et que donc on s'est rabattu sur un substitut pour le moins incroyable : nous, mais une version soit-disant sans conscience ou intelligence, fabriquée et élevée exprès pour (c'est gros, c'est énorme, c'est... invraisemblable).

Donc le narrateur Marcos, "Lui" comme l'autrice y fait régulièrement référence, vient de vivre une perte terrible. Il est aussi plutôt opposé à cette histoire de cannibalisme, mais en silence, parce qu'il y a des lois et elles ne sont pas tendres. Puis c'est son gagne-pain alors bon. Sa femme ayant quitté le domicile suite au fameux drame, il est très seul. Un jour, un fournisseur lui offre une femelle, qu'il installe dans son garage. Voyez venir le truc ou pas ?

Bon. Dès le départ, j'ai vu ce livre comme un message antispéciste, déguisé en SF, elle-même déguisée en littérature générale. C'est exactement ça. Du coup, la suspension d'incrédulité est proche de zéro : comment donc pourrait-on croire que sans manquer de nourriture, les gens se livreraient au cannibalisme sans se poser de question ? Genre les mecs mangent des bébés en méchoui, no problem !

A l'instar de Bonheur TM de Jean Baret, nous voici avec un roman dont le message a pris le pas sur l'intrigue dans les grandes largeurs. Personnellement ça me lourde : je veux dire, j'en vois l'intérêt, je comprends le message, je le reçois MAIS en faire un roman avec des gros sabots, dont l'intrigue est invraisemblable, c'est dommage.

Heureusement, c'est vraiment bien écrit. Malgré mon incrédulité, j'ai apprécié la langue, le rythme. Et étonnamment, la fin, une chute parfaitement cynique.

Au final, Cadavre exquis d'Agustina Bazterrica chez Flammarion, malgré ses qualités littéraires indéniables, n'a jamais su me convaincre. Cette démonstration par l'absurde m'a empêchée de m'immerger dans l'histoire qui promettait pourtant. Dommage ! 

Ils l'ont lu : Gromovar, Just a word

Cadavre exquis
d'Agustine Bazterrica
Flammarion - Août 2019
304 pages
Traduit de l'argentin par Margot Nguyen Béraud
Papier : 19€ / Numérique : 13,99€
Titre original : Cadaver exquisito - 2017

5 commentaires:

  1. "et elles ne sont pas tendres" -> au contraire de la viande humaine ? :p

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    1. Crois moi ou pas, j'ai failli la faire entre parenthèses et je me suis dit "naaaaaan" :')

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  2. Sur un thème (étonnamment) similaire, "Défaite des maîtres et possesseurs", de Vincent Message, m'avait paru bien plus convaincant que ce livre-ci, d'après ce que tu en dis.

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    1. Oui et tu n'es pas la seule à le dire apparemment !

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