lundi 4 février 2013

Lune lit des nouvelles #3 : Dystopia


Le pitch :
Dystopia est une association loi 1901, créée en mai 2009 par Tallis (Librairie Charybde, président), Clément Bourgoin (Librairie Ys, secrétaire) et Xavier Vernet (Librairie Scylla, trésorier).

Son objectif premier est l'organisation d'évènements liés aux littératures de l'imaginaire, policières et "mainstream". Elle travaille notamment, en collaboration avec les libraires et les éditeurs, à rassembler les fonds et à organiser la venue d'auteurs étrangers sans pour autant devoir lier l'événement à la publication d'un ouvrage de l'auteur. L'association se donne pour rôle de financer le voyage aller-retour du pays d'origine de l'auteur vers la France, de gérer la logistique de leur tournée, d'organiser au minimum séances de dédicaces et interviews à Paris. Charge ensuite aux libraires de régions et aux éditeurs de financer les déplacements en France et l'hébergement de l'auteur.

Mon avis :
Lune lit des nouvelles est une rubrique qui me permettra de regrouper des nouvelles "uniques" par thème, par éditeur ou juste comme ça si je veux d'abord. 

Je vais vous dire pourquoi j'ai lu mon premier bouquin de chez Dystopia : la couverture sublime, à tomber, du recueil Ainsi naissent les fantômes de Lisa Tuttle. Et comment vous expliquer... Le contenu est aussi beau que le contenant. Il me paraissait donc normal de continuer à suivre cette petite maison d'édition originale.

Sur le site de Dystopia, vous pouvez retrouver leurs ouvrages papier (toujours superbes halala !!) et numérique (pas cher !). Vous y rencontrerez notamment deux nouvelles gratuites, pour vous donner méchamment l'eau à la bouche. Je vais donc vous parler de ces deux textes, qui m'ont fait forte impression. Comme d'habitude maintenant, les titres sont cliquables pour pouvoir aller télécharger les nouvelles.

Défait de Léo Henry,
tiré du recueil Les cahiers du labyrinthe Rédux

Défait, c'est un dialogue. Un homme en interroge un autre sur un événement dont nous n'avons pas connaissance. Tout ce qu'on sait, c'est que cela concerne une rencontre avec une mystérieuse femme. Celui qui raconte est sous traitement, et la conversation est enregistrée. On imagine qu'il s'est passé quelque chose de terrible.

On est tout de suite dans le vif du sujet. Au-delà de l'histoire de cette étonnante rencontre, c'est surtout le style de Léo Henry qui nous happe dès le départ. Il explore clairement la folie, un peu comme si le narrateur était sous acide, complètement irrationnel, mais qu'on le comprenait parfaitement quand même, parce qu'une histoire d'amour ça ressemble vraiment à ce qu'il décrit. 


"Y avait ses yeux, puis le reste de son visage construit tout autour,
avec une mention spéciale pour la bouche que j'ai pas tout de suite réussi à comprendre."

C'est un style familier, parlé, construit intelligemment, pertinent, percutant et juste. C'est court, c'est bon, j'en voulais encore, alors j'ai acheté le recueil entier. 

Le vieux M. Boudreaux de Lisa Tuttle,
tiré du recueil Ainsi naissent les fantômes
en version numérique

Ouhlala, cette nouvelle m'a beaucoup parlé. Je risque éventuellement de dévoiler un peu l'intrigue, je vous dirai quand vous arrêter si vous ne voulez pas en savoir plus !

Ce texte parle d'une femme indépendante et voyageuse d'une cinquantaine d'années qui perd sa maman. Celle-ci, avant sa mort, lui fait promettre de s'occuper de M. Boudreaux. Sachant que sa grand-mère s'occupait déjà de celui-ci alors qu'il était à un âge avancé, la narratrice pense naturellement que sa mère n'a plus toute sa tête et le lui promet. Elle hérite aussi de la maison familiale, dont elle s'est éloignée tout au long de sa vie, un manoir entouré d'un parc dans la ville de Houston.

Elle y retourne donc, et part se balader dans ce parc. L'ambiance est à la nostalgie mais aussi à la redécouverte. A ce moment, tous ses souvenirs d'enfance lui reviennent et la bouleversent.

A partir de là, vous pouvez arrêter de lire if you want.

Personnellement ce texte m'a touchée car je suis persuadée qu'il parle de l'enfantement et de la transmission de la vie, de ce moment marquant, remuant qu'est la grossesse. Quand on est enceinte, on devient mère. Tous les éléments de l'enfance nous reviennent, et on voit autrement notre mère, notre enfance. On les repense. On essaie aussi de se rassurer en revenant vers l'enfance, les souvenirs, les habitudes. J'ai l'impression que c'est exactement ce qu'expérimente la narratrice. Elle retourne dans son jardin de jeunesse, retrouve des sensations, des images. Elle suit le bayou, étendue d'eau formée par les anciens bras du Mississippi, et remonte jusqu'à l'endroit où elle se réfugiait pour lire étant petite, une cavité ronde creusée qu'elle appelle "La grotte".

"Il y avait quelque chose à l'intérieur de ma grotte. [...]
Oui c'était un corps, aussi petit que celui d'un enfant."

Pour moi l'image est claire. Peut-être me fais-je des idées, je ne sais pas. L'eau, la grotte, l'enfant, les responsabilités transmises par la mère... C'est ainsi que j'ai lu et ressenti cette histoire, la grand-mère passe le flambeau à la mère qui le passe à sa fille, et l'histoire de la vie continue, l'enfantement, la protection d'un petit être fragile, d'un ange, unique, un peu différent mais qu'on aime tout de suite, dès qu'on le prend dans ses bras.

Vous pouvez reprendre ici.

Hum, voilà, le fantastique s'invite à la toute fin, léger comme une plume. Cette nouvelle est sublime, Lisa Tuttle est grande et il FAUT lire Ainsi naissent les fantômes.

Que l'aventure Dystopia continue longtemps ! 


Sur ma PAL, j'ai aussi Le Prophète et le vizir d'Yves et Ada Rémy que Lelf m'a offert.

Lhisbei parle du Vieux M. Boudreaux.

Lecture n°13 dans le cadre
du challenge Je lis des nouvelles et des novellas

12 commentaires:

  1. Bon en fait je repasserais après avoir lu la nouvelle de Lisa Tuttle... mais Ainsi naissent les fantômes c'est troooooop bien :D

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  2. hop je vais aller de ce pas télécharger la nouvelle de Leo Henry :)
    Tu as une interprétation intéressante du Vieux M. Boudreaux. elle se tient (et bien en plus) quand on met ce texte en rapport avec les thématiques présentes dans Ainsi naissent les fantômes. j'étais passé à côté de cette partie transmission...

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  3. Lundi 28 janvier, je suis allée en librairie accompagnée de Yume. J'ai eu le recueil de Lisa Tuttle entre les mains, très joli (et j'aime son format). Elle était là "allez, craques. Au moins pour faire plaisir à Lune" :D
    J'ai pris la nouvelle de Tuttle, mais je n'ai pas encore lue :/ Je pense la glisser bientôt parmi les lectures. Et j'en parlerai... quand je chroniquerai le recueil de l'auteur (forcément, il faudra l'acquérir et le lire avant).
    Je ne serai pas forcément allée verts la nouvelle de Henry, mais tu me donnes envie (bien que je redoute un peu en même temps)
    Mazette, tu me fais lire des nouvelles, je n'y crois pas ! Je vais même être obligée de créer un billet spécial comme Lhisbei et toi pour parler de ces nouvelles.

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  4. @Vert : j'attends ton avis !

    @Lhisbei : merci, c'est une impression que j'ai eue, et connaissant les thèmes de Lisa Tuttle, on est forcément pas loin en parlant de l'enfantement. Bonne lecture avec Léo Henry, il a une écriture particulière assez géniale dans cette nouvelle !

    @Acr0 : j'aime quand tu me parles comme ça ! donc tu ne l'as pas acheté le recueil de Tuttle ?

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  5. C'est bizarre la nouvelle Le Vieux M. Boudreaux de Lisa TUTTLE n'est pas dans la version papier du recueil Ainsi naissent les fantômes. Si j'ai bien compris, elle est néanmoins présente dans la version numérique. Savez-vous pourquoi ?

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  6. @Cerise
    Je crois me souvenir avoir lu un truc au sujet de pourquoi ils avaient écarté le texte, mais j'ai oublié (oui je sais je suis très utile :P). Mais comme on peut la télécharger gratuitement, finalement ça ne change pas grand chose ^^

    @Lune
    Et bien je l'ai lu ce M. Boudreaux, et j'ai beaucoup aimé. C'est très doux comme histoire, ça tranche radicalement avec ce qu'elle écrit en général, et je suis assez d'accord avec ton interprétation (j'avais pas été aussi loin, mais la question de la maternité m'avait sauté aux yeux, c'est vraiment un de ses sujets clés).

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  7. @Cerise : réponse de Xavier de Dystopia à ta question : Le Vieux M. Boudreaux était dans la toute première sélection de Mélanie mais cette dernière l'aimait moins que les autres. Cependant Olivier et moi l'avions beaucoup aimé et souhaitions la "repêcher". Puis de fil en aiguille avec le numérique, ça nous faisait une nouvelle à offrir pour goûter ou pour en avoir un peu plus. Et comme toujours, les personnes ne lisant pas de livres numériques se sentaient frustrés donc le repêchage a été complet en le mettant au sommaire de la première anthologie.

    @Vert : j'interprète peut-être beaucoup hein !

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  8. Lune, si bientôt ;)
    J'attends juste un cadeau d'anniversaire en retard ; on ne sait jamais, si c'était cela. Sinon, je l'achèterai.
    Je reviens car j'ai lu la nouvelle de Tuttle :) Peut-être est-ce parce que je suis nullipare que la thématique ne m'est pas venue à l'idée, mais ton argument se tient très bien :)

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  9. Tu le reliras quand tu seras primipare alors :p

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  10. Comme toi cette nouvelle m'a beaucoup parlé.
    Je te l'ai dis j'ai pleuré dès la 2nd page, moi aussi j'ai repensé à ma 1er grossesse, qui reste la plus importante au niveau de nos repères, de nos héritages ....
    Bref je serais bien incapable d'en faire une chronique sans qu'elle soit objective et détaché de mon propre vécu

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  11. Une chronique n'a pas forcément à être objective, au contraire, sur ces textes là, c'est encore plus remuant d'avoir une expérience pour interpréter ce qu'à voulu faire passer (ou pas) l'auteur !

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