jeudi 22 août 2013

Harmonie de Project Itoh

 
Le pitch :
A la suite d’un cataclysme nucléaire qui a presque anéanti l’espèce humaine, l’Utopie a finalement été atteinte grâce à des corps sociaux ultramédicalisés qui s’assurent de la bonne santé de chaque individu, et ce afin de préserver la ressource la plus importante : la vie. Mais dans ce monde homogène, trois jeunes filles, Tuan, Miach et Cian, décident de prendre en main leur destin et de se réapproprier leur existence en détruisant la seule chose qu’elles peuvent atteindre : leur santé. Deux d’entre elles survivront. Quelques années plus tard, Tuan, désormais membre des forces de sécurité de l’Organisation Mondiale de la Santé, doit mener une enquête complexe alors qu’un groupe terroriste menace l’équilibre mondial. Elle va découvrir quelles horreurs se cachent derrière les secrets d’un monde où chacun se doit d’être en bonne santé.

Mon avis :
C'est la première fois que je lis de la SF japonaise grâce à l'auteur Project Itoh (c'est un pseudo), à l'éditeur Eclipse (repris par Panini Books), et à une couverture fort belle, tout cela associé à un contexte post-apocalyptique qui n'a pas manqué de m'intriguer.

Harmonie est une dystopie. Dans une société ultra-médicalisée post-guerre nucléaire mondiale, chaque individu vit selon les préceptes du "vivisme" : les choses nocives pour l'humain ont été peu à peu interdites. L'alimentation mais aussi l'éducation, les discussions, les lectures, tout cela est contrôlé grâce au WatchMe, dispositif que chaque adulte porte en lui. Il n'y a plus de maladies, les médias sont filtrés, certains passages de livres effacés en fonction du lecteur, tout le monde se ressemble et les gens qui n'acceptent pas cet état de fait se font grandement chier il faut bien le dire. C'est le cas de notre héroïne, Tuan, qui avec deux de ses amies, a tenté de mettre fin à ses jours il y a treize ans, sous l'impulsion de l'une d'elle en particulier : Miach. De nos jours, une vague de suicides simultanés a semé le trouble et commence à faire paniquer les gens et les autorités. Tuan va enquêter sur cette affaire.

Partant d'une idée géniale, ce roman est bien écrit et bien mené. L'auteur a nombre d'idées dystopiques parfaitement flippantes, et qui nous font vraiment un effet bizarre quand on voit avec quelle facilité la plupart des personnes les acceptent "pour leur bien". Traumatisés par la guerre et les virus mutants qui en ont résultés, ils préfèrent encore vivre dans un cocon, physique et intellectuel. Tuan est à contre-courant de tout cela, et va nous offrir son point de vue unique sur cette histoire, puisque c'est son père qui a inventé le WatchMe.

"Mon WatchMe vient de m'avertir que mon état émotionnel a outrepassé les paramètres acceptables pour interagir avec autrui."

Il faut aussi savoir que dans cette société, Project Itoh a poussé l'utilisation des réseaux sociaux à leur extrême limite : Les données de chacun sont publiques, d'ailleurs le mot "privé" est devenu tabou. Les personnes utilisent 24/24h la réalité augmentée et peuvent donc à chaque instant lire les informations des personnes qu'elles rencontrent au-dessus de leur tête, les localiser, connaître leur santé, etc...

"Tu sais qu'autrefois "intimité" et "vie privée" n'était pas des gros mots ?"

J'attendais beaucoup de ce roman, étant donné son pitch pour le moins attractif ! Malheureusement, mais c'est un choix de l'auteur, on y réfléchit énormément sur la conscience de l'homme, c'est assez philosophique et j'ai trouvé que finalement le côté réflexion prenait trop le pas sur l'action. D'un sens l'auteur va jusqu'au bout de son concept, et de l'autre il m'a manqué quelque chose pour être embarquée et convaincue.

"Plus un peuple était avancé, plus il se rapprochait de sa mort."

Pourtant il a énormément développé le côté géopolitique de l'affaire, et nous informe des évolutions des guerres dans les divers pays qui ne fonctionnent pas selon le vivisme (mais où l'on envoie bien sûr des agents prêcher la bonne parole).

Je lui reproche aussi une redondance dans les pensées de la narratrice, il faut dire que Tuan tourne et retourne les problèmes dans sa tête pour tenter de trouver une explication à tout cela. 

Sur la forme, le livre est vraiment un bel objet, tant par sa couv' que par les balises qui encadrent le texte, afin de nous informer de l'émotion que ressent la narratrice. C'est assez original.

En faisant ma chronique je trouve beaucoup de bons points à ce bouquin, alors je crois que tout simplement, c'est moi qui n'ai pas été embarquée dans l'histoire.

Pour résumer, je crois que c'est un rendez-vous manqué entre Harmonie de Project Itoh et moi. Le livre est excellent et fouillé, il a d'ailleurs reçu le Prix Spécial P.K. Dick en 2010, mais je n'ai pas réussi à me sentir touchée par l'histoire. Il est à noter que c'est le dernier roman de l'auteur, décédé d'un cancer peu après sa finalisation. Il l'a relu à l'hôpital, ce qui peut peut-être éclairer certains aspects médicaux du roman... Alors finalement, même si je ne suis pas complètement convaincue, je vous conseille de tenter sa lecture !


3 commentaires:

  1. Je le tenterai.
    J'ai déjà lu de la SF japonaise, c'était froid, l'héroïne était encore plus froide. Et j'ai failli peiner sur ma lecture. Pourtant, au final, j'ai bien vu que c'était un très bon roman et que j'avais pris plaisir à ma lecture au niveau des thématiques (et même des personnages, vu que certaines parties étaient quand même moins froides).
    Toujours un peu spécial, le japonais ^^

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  2. C'est sûr qu'avec tout ce qu'ils font en manga et animes, les Japonais ont largement assez d'imagination pour faire de la SF de qualité, en style japonais quoi. ;)

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  3. Eh ben, le moins qu'on puisse dire c'est que ça me tente à mort... J'ai jamais tenté la SF japonaise ceci dit (faut bien commencer quelque part !), du coup je garde en tête ton commentaire sur l'aspect philosophie/action, histoire de ne pas m'attendre à du blockbuster littéraire bête et méchant ! :)

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