samedi 1 décembre 2012

♥ Feed de Mira Grant (tome 1)

Le pitch :
2034. Il y a vingt ans, l'humanité a vaincu le cancer. Le rhume n’est plus qu’un mauvais souvenir. Mais elle a créé une chose terrible que personne n’a été capable d’arrêter. Une infection virale. Qui s’est propagée à une vitesse redoutable, le virus prenant le contrôle des cerveaux, avec une seule obsession : se nourrir.
Issus de cette génération sacrifiée, Georgia et Shaun Mason sont les maîtres de la blogosphère, devenue le seul média indépendant proclamant la vérité sur ce qui se passe derrière les barricades. Shaun, la tête brûlée, et Georgia, l’âme du duo, enquêtent sur l’affaire la plus importante de leur carrière : la sinistre conspiration qui se cache derrière les infectés. Et ils sont bien décidés à faire éclater la vérité, même s’ils doivent y laisser la vie.

Mon avis :
Feed est un roman post-apocalyptique zombie, premier tome d'une trilogie de Mira Grant publié chez Bragelonne. Feed signifie "nourrir" et désigne aussi le fil d'actualité d'un site. Sachant qu'il y a, donc, des zombies, et des blogueurs dans ce livre, comment passer à côté ? Je m'excuse d'avance du pavé, j'ai plein de choses à dire.

Excellente nouvelle, j'ai eu un coup de cœur pour ce roman à l'ambition bien plus importante qu'il n'y parait. Ne croyez pas que c'est un simple roman zombie (si cela existe vraiment d'ailleurs, oui peut-être Zombie Thérapie). Je classe ce bouquin au niveau de World War Z, et je pèse mes mots.


"On vit, on meurt, après on revient, on se lève, et on traîne des pieds en essayant de dévorer ses amis ou sa famille. Et c'est pareil pour tout le monde."

2040 : il y a 25 ans, la combinaison de deux vaccins que l'on pensait inoffensifs a éradiqué le cancer et le rhume, mais a également transformé une bonne partie de la population en zombies. Ainsi qu'un paquet d'animaux de plus de 20 kilos, seuil au-dessus duquel le virus peut se répliquer dans l'organisme. Suite à ce Jour des Morts, la vie telle qu'on la connait a bien sûr radicalement changé.

"-Pourquoi ne fumez-vous pas ? Encore une fois, ça collerait parfaitement à votre image. 
-J'aime avoir une capacité pulmonaire suffisante pour m'enfuir devant les morts-vivants, répondis-je."

Mais attention : les gouvernements ne sont pas tombés. Grâce à internet, la nouvelle de la contamination s'est rapidement répandue, ainsi que les divers moyens de contrer les zombies. Les blogueurs, l'immédiateté de l'information et les films de George Romero ont sauvé énormément de gens. Maintenant, tous vivent dans des zones sécurisées, devant montrer patte blanche à chaque instant grâce à des tests déterminant si le virus est actif ou pas dans l'organisme, et sont armés jusqu'aux dents. L'humanité a trouvé un nouveau fonctionnement, une façon de (sur)vivre différente.

"Sans les films de Romero, la plupart des gens se seraient retrouvés complètement impuissants face aux zombies."

Les nouveaux journalistes sont les blogueurs, superstars suivies dans le monde entier, accros à l'info et aux points d'audience. Georgia et Shaun (je vous laisser deviner l'origine de leurs prénoms !) sont frère et soeur, adoptés par des parents cyniques pros de la survie, et blogueurs. Elle, "rédac", qui ne raconte que la vérité sans fioriture, lui "irwin", allant taquiner du zombie sur le terrain pour faire de l'audience. Ils sont accompagnés de Buffy, une "barde", qui écrit des fictions et des poèmes. C'est Georgia qui sera notre froide mais sincère narratrice.

"Parfois, dans notre métier, la "chance" revient à tirer profit de la douleur des autres."

Le point de vue subjectif de Georgia, s'il ne nous permet pas d'avoir tous les éléments, ce qui peut paraître frustrant, est aussi un bon moyen d'entretenir le suspense. C'est une façon pour l'auteure de nous mettre dans la peau d'un citoyen habitué aux zombies, né avec eux, et qui les considère comme faisant partie de son époque. Elle nous explique ainsi tout naturellement ce nouveau mode de vie et ses contraintes.

La politique, le journalisme, le commercial, tout cela a survécu à cette apocalypse, et finalement la vie continue. Georgia et Shaun sont sélectionnés par l'équipe du sénateur Ryman pour suivre en direct la campagne présidentielle de celui-ci. C'est la consécration de leurs carrières. Mener une campagne politique dans un tel contexte est dangereux, car cela veut dire se déplacer, faire des meetings (les gens ne se rassemblent plus)... Mais l'audience sera au rendez-vous.

Évidemment, il y a quelques bonnes bastons zombiesques dans le roman, jamais dépourvues de sens, tout comme le récit lui-même, mais qui sont finalement éclipsées par cette recherche incessante de la vérité. Ce n'est absolument pas gênant dans la narration, sauf si vous recherchez uniquement du sang. Mais je vous rassure il y en aura, et pas forcément celui qu'on voudrait.

Nous sommes clairement dans une histoire post 11 septembre. Cela m'a frappée à de nombreuses reprises (non je ne suis pas blessée !). Pour plusieurs raisons. D'abord Mira Grant nous parle de terrorisme : l'acte qui déclenche ce chaos en est quasiment un, puis ensuite certains, utilisant le virus comme arme, sont considérés comme terroristes. En découlent ensuite des lois antiterroristes, s'ajoutant à celles censées (et qui y arrivent pour certaines) protéger les citoyens, mais qui sont finalement liberticides : pas le droit d'aller et venir librement, besoin d'accréditation pour se rendre dans certaines zones, localisation par GPS et surveillance permanente, pas le droit de posséder un animal au-delà du poids fatidique (Loi Mason), et on vous abat limite à vue si vous avez été près d'un infecté, à moins qu'on ne vous laisse le temps de prouver que vous êtes sain. Chose rare.

On retrouve aussi un certain extrémisme religieux : le fléau aurait été envoyé sur la Terre pour punir les hommes de leur vie de péchés, ils ont perdu le droit chemin, et l'au-delà sera un monde meilleur, blablabla, connerie de fondamentaliste. C'est d'ailleurs un courant politique de plusieurs concurrents de Ryman, lui-même un peu hors norme, sa famille possédant un ranch avec des chevaux. Et un cheval, ça pèse combien, hein ?

Je vous met un long extrait du blog de Georgia Mason, qui a confirmé mon impression :

"Nous sommes une nation habituée à vivre dans la peur, la voilà la vérité. Si je veux être honnête avec vous, mais aussi avec moi-même, ça ne concerne pas uniquement notre nation, et il ne s'agit pas réellement d'une habitude. ça concerne le monde entier, et c'est une addiction. Les gens sont accros à la peur. La peur justifie tout. La peur nous fournit une excuse toute trouvée pour renoncer à nos libertés, l'une après l'autre, au point de trouver normal qu'on nous suive à la trace et que le moindre de nos mouvements soit enregistré dans une dizaine de bases de données auxquelles monsieur tout-le-monde n'aura jamais accès. La peur crée, définit et façonne notre univers, et sans elle, la plupart d'entre nous se sentiraient perdus.
Nos ancêtres rêvaient d'un monde sans frontières, alors que nous passons notre temps à en imaginer de nouvelles, autour de nos maisons, de nos enfants, et de nous-mêmes. Nous limitons notre potentiel, jour après jour, au nom d'un idéal de sécurité que nous n'atteignons jamais. [...]

Extrait d'Âmes sensibles s'abstenir, blog de Georgia Mason."

En résumé, Feed est un roman zombie haut de gamme, au niveau de World War Z dans son propos et la réflexion qu'il propose au lecteur. Mira Grant nous offre une histoire post 11 septembre fascinante d'intelligence et de rythme, qui analyse les enjeux politiques de notre époque à travers le prisme d'un monde post-apocalyptique zombie. Sérieux, lisez-le d'urgence, on ne s'ennuie pas une seconde.

L'avis de Gromovar, Lelf
Lisez les 50 premières pages de Feed.


CITRIQ

10 commentaires:

  1. Ah ah, ravie que tu aies apprécié autant ^^
    J'ai aussi fait un petit pavé comme chronique (moi qui disais juste avant que j'écrivais beaucoup surtout pour les chroniques négatives x) ).

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  2. Belle critique, et Lelf semble aussi enthousiaste que toi !

    Pourtant, je ne sais pas pourquoi, je n'arrive pas à être attiré par ce roman, peut-être car je n'arrive pas à me représenter ce monde comme étant plausible...

    Bref, j'attendrai un "opération Bragelonne" en numérique ! :D

    Petite question : il y a une vraie fin à l'issue de ce tome, ou bien c'est ouvert sur la suite (puisque c'est une trilogie je crois) ?

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  3. @Lelf : c'est dur de ne pas faire un pavé, il y a tant de choses à en dire ! Évidemment, quasi personne ne la lira en entier mais tant pis !

    @Lorhkan : je t'avoue que c'est à la fois surprenant mais aussi très réaliste et finalement on imagine bien, après 25 années à s'astreindre à ce genre de vie qu'on s'y fasse.
    C'est une trilogie, bon on sent que l'enjeu est plus grand que ce qu'on apprend à la fin du tome, donc les suites seront utiles.

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  4. C'est vraiment un bon roman en effet. Content que tu ne sois pas déçue.

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  5. Tu donnes vachement envie :p
    Ptètre que les chevaux nains ça pèse moins de 20 kilos :D sinon c'est plutôt entre 150 et 1200, selon la taille et la race.

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  6. bon malgré les échos positifs ici et là, les zombies je ne peux plus ^^

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  7. @Gromovar : moi aussi !

    @Tigger Lilly : merci du renseignement tiens !! Et lis le !

    @Lhisbei : on a tous besoin d'une pause zombie. Perso après celui-ci je m'arrête un peu, c'est toujours comme ça pour moi après un très bon bouquin.

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  8. Moi qui ne suis pas portée tant que ça sur les zombies, tu me donnes bien envie :D

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  9. Essaie Olya, c'est un roman très intelligent !

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  10. Oui, un excellent roman sur les zombies mais pas que. Un texte intelligent, prenant et efficace. Content qu'il t'ait plu aussi.

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