"Une peur qu'elles connaissaient bien, intimement, une peur qui les accompagnait depuis le plus jeune âge, depuis le premier "fais attention aux inconnus", depuis la première main anonyme qui avait palpé et détaillé leur corps sans autorisation dans un métro bondé, depuis le premier regard graveleux d'un oncle éloigné dans une réunion de famille. Cette peur avalée, ravalée, et sans cesse déglutie avec un soulagement en demi-teinte quand elles passaient enfin la porte de chez elles."
Les Ravagé(e)s de Louise Mey est un thriller féministe paru chez Fleuve Éditions dans la collection Fleuve Noir. Un roman qui se dévore et vaut par son contexte, par les réflexions qu'il déclenche et par ses personnages, bien plus que beaucoup de longs discours.
Andréa est une silhouette chancelante après un énième samedi soir alcoolisé. Ses amies ont prolongé la fête, les taxis ont déserté la place, le vide a empli l’espace et on a qu’une envie, ici et maintenant : faire passer le temps plus vite. Mais pas le choix. Il s’agit d’être pragmatique : mettre un pied devant l’autre, entendre le bruit de ses pas en triple exemplaire et trouver ça normal, fixer la lumière, un point de civilisation. Ne pas tomber.
Pourtant, cette nuit-là ne ressemble pas aux autres. La tête collée au bitume, dans l’urine et la poussière, Andréa a mal.
Alex est flic et mère célibataire. Elle officie aux crimes et délits sexuels d’un commissariat du nord de Paris. Chaque jour, elle voit défiler les plaintes pour viol, harcèlement, atteinte à la pudeur. L’ambiance est à l’anesthésie générale et il faut parfois lutter pour continuer à compatir. Ses parades pour éviter de sombrer : la bière, sa fille et les statistiques. Sauf quand deux affaires viennent perturber la donne.
Alex est flic et mère célibataire. Elle officie aux crimes et délits sexuels d’un commissariat du nord de Paris. Chaque jour, elle voit défiler les plaintes pour viol, harcèlement, atteinte à la pudeur. L’ambiance est à l’anesthésie générale et il faut parfois lutter pour continuer à compatir. Ses parades pour éviter de sombrer : la bière, sa fille et les statistiques. Sauf quand deux affaires viennent perturber la donne.
J'étais assez curieuse à la lecture d'un avis sur ce roman qui révélait ce que l'on apprend bien vite (ne lisez pas la suite si vous ne voulez pas savoir) : les victimes de viols, Andrea et Camille, sont en réalité des hommes, fait statistiquement rare (91% des victimes de viols sont des femmes). Mais alors comment faire un thriller dit féministe quand on met en scène une enquête sur des viols d'hommes ?
"Ce ne sont même plus des êtres humains, ce sont des champs de bataille. Ravagés."
Louise Mey a relevé un défi périlleux, et qui ne convaincra peut-être pas tout le monde. Elle a pris le contexte actuel, les vraies statistiques d'agressions sexuelles, et a envisagé un lent retournement de situation, avec ce qu'il faut de gravité mais aussi d'humour.
" - Tu en penses quoi ?
- Que j'aimerais pouvoir confier la bande à un de ces types des séries télé, qui peut agrandir mille fois le reflet dans l’œil d'une mouche et démultiplier les pixels."
Alex, le personnage principal, est une mère célibataire qui a sa fille une semaine sur deux. Dans son enfance, on l'appelait le "garçon manqué" ce qui exaspérait sa mère, féministe convaincue. D'ailleurs, elle fait à un moment une remarque sur la contraception dans une salle d'attente de médecin, notant que seules les femmes étaient ciblées par la campagne d'information. Cette femme repère les petites choses qui vont nous énerver au quotidien quand on est féministe et que peu à peu on s'éveille à la problématique de l'égalité homme-femme, comme "mais il a encore le droit de nous appeler Mademoiselle ?" ou "- Voici Cyril Vigne, journaliste, et Caroline la caméraman. - Elle n'a pas de nom elle ?". Le tout distillé dans le récit, sans que cela soit lourd, bien au contraire, quel bonheur d'enfin pouvoir lire un roman sans pester contre telle ou telle remarque sexiste. Car ici, si remarque sexiste il y a, le personnage sera confronté au regard d'un autre (femme ou homme), qui mettra en évidence le problème.
"Favier et Audain avaient pour petit plaisir de corriger les faits divers.
Parfois seulement les titres : les "crimes passionnels" redevenaient des assassinats. Les "drames de la passion" redevenaient des meurtres. Et bien sûr les "différends familiaux", des violences conjugales. "Deux ans fermes pour le mari trompé : dans un moment de folie, il avait poussé la femme adultère par la fenêtre." "Seulement deux ans pour meurtre" rectifiait Favier, à grandes lettres rondes."
Parfois seulement les titres : les "crimes passionnels" redevenaient des assassinats. Les "drames de la passion" redevenaient des meurtres. Et bien sûr les "différends familiaux", des violences conjugales. "Deux ans fermes pour le mari trompé : dans un moment de folie, il avait poussé la femme adultère par la fenêtre." "Seulement deux ans pour meurtre" rectifiait Favier, à grandes lettres rondes."
Bref, Alex va enquêter sur des viols qui sortent de l'ordinaire et des statistiques, par leurs victimes et leurs conséquences, avec son coéquipier Marco. Mais l'enquête va piétiner et l'ambiance, comment dire, va lentement changer.
Les interactions entre les personnages sont intéressantes : dans cette brigade parisienne spécialisée dans les enquêtes sur les agressions sexuelles, chaque protagoniste a son caractère. Mais c'est bien la question féministe qui est au centre des discussions. Comment les femmes l'envisagent, comment les hommes l'envisagent. Comment vit-on dans une société où près de 70 000 femmes sont violées tous les ans ?
Louise Mey a également parsemé son récit d'événements vécus quotidiennement par les femmes (se faire suivre dans la rue, se faire siffler, presser le pas pour rentrer...) ou de phrases entendues régulièrement ("non mais ça ce n'est pas pour une femme", "T'es bonne tu suces ?" etc.) et je dois dire qu'au final son texte remue vraiment les tripes. Parce que mis à part l'enquête (une affaire plus difficile à résoudre pour les personnages que pour le lecteur !) et cette fameuse brigade, TOUT est réel. Et ça fait comme une claque dans la figure.
Pour résumer, Les Ravagé(e)s de Louise Mey est un thriller féministe paru chez Fleuve Éditions dans la collection Fleuve Noir. Un roman qui se dévore et alerte par son contexte, par les réflexions qu'il déclenche et par ses personnages, bien plus que beaucoup de longs discours (qu'on peut cependant écouter aussi). Un récit prenant doublé d'une critique sociale qui a parlé à mon cœur et mes tripes de féministe.
"Que demandent les féministes ? Que les femmes et les hommes soient égaux en dignité et en droits, et que ces droits soient appliqués. La démarche féministe est globale. Les féministes sont engagées, non seulement contre le sexisme, mais aussi contre le racisme et les autres discriminations. Le machisme exerce contre les femmes tout un continuum de violence : il tue, blesse, viole, prostitue, excise, insulte, séquestre, massacre.
Jusqu'à quand allons-nous le tolérer ?"
Jusqu'à quand allons-nous le tolérer ?"
Florence Montreynaud, historienne et féministe
Pour résumer, Les Ravagé(e)s de Louise Mey est un thriller féministe paru chez Fleuve Éditions dans la collection Fleuve Noir. Un roman qui se dévore et alerte par son contexte, par les réflexions qu'il déclenche et par ses personnages, bien plus que beaucoup de longs discours (qu'on peut cependant écouter aussi). Un récit prenant doublé d'une critique sociale qui a parlé à mon cœur et mes tripes de féministe.
A lire : l'usage de la ville par les femmes
Les Ravagé(e)s
de Louise Mey
Fleuve éditions - Fleuve Noir - Mai 2016
12-21 pour la version numérique
432 pages
Papier : 19,90€ / Numérique : 13,99€
Cool, un polar féministe chouette, ça ne court pas les rues ! Je le note dans un coin pour plus tard !
RépondreSupprimerYes j'espère que ça te plaira !
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