mardi 28 avril 2015

↓ Tau Zéro de Poul Anderson

Tau zéro est un roman de Poul Anderson paru chez Le Bélial, et récemment édité en poche par Pocket. Il m'a laissée froide, voire m'a parfois un peu énervée.

Prisonniers du Leonora Christina, un vaisseau spatial devenu incontrôlable, les cinquante membres d’équipage sont impuissants et sont projetés dans une véritable fuite en avant dans le temps et l’espace. Tout retour devenant improbable, un terrible huis clos commence.

Le roman commence doucement, sur Terre, avant le départ de la mission vers une planète prometteuse, qui sera peut-être la première colonie humaine dans l'espace. Puis l'on se retrouve dans le vaisseau. Alors vont s'alterner des moments de vie sociale et des explications scientifiques sur le voyage.
 
Je ne suis pas fan de hard science, mais c'est ce qui m'a le moins ennuyée dans ce roman. Les explications sont claires (même si pas toutes réalistes, voir la postface de Lehoucq à ce sujet), compréhensibles dans leur ensemble. Le voyage est une expérience qui peut se révéler par moment fascinante, emplie de ce qu'on appelle le sense of wonder. Poul Anderson joue avec la relativité tout en permettant au lecteur lambda (moi par exemple) de le suivre sans problème. 

Par contre j'ai eu l'impression de prendre des leçons tout le long du roman. Leçon de physique, bon de ce côté j'étais prévenue. Leçon de sociologie, de manipulation des personnes et de maintien de l'ordre, là je ne m'y attendais pas. Le personnage principal, Reymont, sorte de gendarme de l'espace, figure paternelle machiste, est en fait un réel stratège, et gère son petit monde comme un tyran, mais pour le bien de tous évidemment. 

Je n'ai ressenti aucune empathie pour les personnages, absolument pas construits psychologiquement, sans profondeur, avec des interactions mode glaçon, et de là aucun intérêt pour la destination finale, pas ressenti de suspense, de peur. Indifférence totale sur le sort des passagers.

J'ai un sentiment mitigé également sur la place de la femme. Poul Anderson semble avoir fait des efforts : le vaisseau a un nom de femme (Leonora Christina, qui passa 21 ans de sa vie enfermée dans un donjon - indice sur l'intrigue !), la parité est de mise (en même temps, pour commencer une colonie c'est mieux), les moeurs libérées, et c'est la femme qui a l'initiative en ce domaine (un peu trop d'ailleurs, ces vilaines sorcières qui ne pensent qu'à leurs propres besoins !). Alors je me dis, attention, contexte ! Années 70, tout ça. Certes mais finalement, tout n'est pas résolu de nos jours. Domination masculine allant de soi, femmes dévouées... La commandante en second est une femme, elle affirme malheureusement dès le départ que ce n'est que la partie administrative qui la concerne. Techniquement, tous sont scientifiques, mais les postes clés sont occupés par des hommes (navigation par exemple, juste la base d'une mission dans l'espace hein). 

Le pompon, la cerise sur le gâteau, tous ces gens, à qui il va arriver un truc terrible évidemment, vont devoir se supporter plus longtemps que prévu dans leur boîte de conserve (bourrée de technologie, mais boîte de conserve quand même). Viendra le moment où une femme devra se dévouer afin de remotiver le mec déprimé qui pourrait sauver la situation... Tout ça sur un conseil non-dit mais clair du gendarme de l'espace. Désolée mon pote, mais sinon tu te sors les doigts et tu sauves 50 personnes ! T'as besoin de te faire sauter pour ça ?

Je sais qu'on ne lit pas un livre en le jugeant sur ce genre de défaut, parce qu'il faut le remettre dans son contexte. Mais je trouve qu'en tant que partie importante de l'histoire, il est impossible de laisser cela de côté. Parce que ça m'a empêché de profiter du reste. Je serai d'ailleurs curieuse de lire un avis de femme sur ce roman, je n'ai trouvé que des chroniques masculines (Nébal qui semble assez d'accord avec moi sur le niveau littéraire de ce roman, Gromovar qui aborde le sujet, merci !, Lorhkan, Efelle). Une chronique féminine chez Vert. Voici un livre qui de ce point de vue a bien mal vieilli.

Pour résumer, Tau Zéro de Poul Anderson est un roman de hard-science publié récemment chez Pocket. Il plaira aux amateurs du sous-genre. Pour moi, cela reste un récit avec une excellente idée de départ, mais sans saveur et bourré de leçons. Et qui a mal vieilli. J'ai dû louper un truc là.

Tau Zéro
de Poul Anderson
Grand Format : Le Bélial' - 2012 (304 pages)
Poche : Pocket - 2015 (352 pages)
Traduit de l'américain par Jean-Daniel Brèque
Papier : GF 20€ / Poche 7,90€
Numérique : 8,99€
Titre original : Tau Zero - 1970

11 commentaires:

  1. Il est dans ma PAL (enfin dans celle du Barbu), du coup il faut juste que tu patientes jusqu'à ce que je le lise. A moins qu'une autre lectrice qui te suit ne l'ai déjà lu ;)

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  2. Mon dieu un commentaire de Jae_Lou c'est juste magique :p
    Oui j'attendrai, ça m'intéresse !

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  3. Je voulais le lire. Mais là du coup, bizarrement, je ne suis plus très sûre...

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  4. Ah bin si, tu vas le lire et tu me diras ce que tu en penses !!

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  5. Comment ? Le Belial nous aurait menti en défendant que Poul Anderson avait été considéré à tort comme conservateur et qu'il était temps de le réhabiliter ;)
    Article très intéressant, merci !

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  6. Faut que tu lances le challenge "Les femmes lisent Tau Zero" ;)

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  7. @MqlSz : on sent qu'il a fait quelques efforts sur celui-ci, mais c'est contrebalancé par tellement de choses...

    @Grom' : T'as raison, je me sens seule !

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  8. C'est vrai que je n'ai pas insisté dessus dans ma critique, mais j'en garde le souvenir d'un roman aux personnages inconsistants pris au sein d'une valse sexuelle très 70's...

    Ceci dit, j'ai aussi le souvenir d'un vertige science-fictif tout à fait caractéristique. De ce point de vue là, c'est une réussite. De l'autre...

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  9. Tiens si tu veux un avis de femme :
    http://nevertwhere.blogspot.fr/2013/12/tau-zero-poul-anderson.html
    Moi ça ne m'a pas choqué outre mesure mais j'ai été emportée par la partie scientifique, et je lis assez souvent de la SF de l'époque pour filtrer inconsciemment les préjugés.

    Après c'est sûr que c'est pas sur la question des femmes que Poul Anderson est en avance, mais parfois on a de bonnes surprises, y'a la nouvelle Le partage de la chair dans Le chant du barde qui a une femme dans le rôle principal, et elle sort vraiment des stéréotypes pour le coup.

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  10. @Lorhkan : pas eu le vertige tout le temps :p

    @Vert : Merci pour ton lien ! c'est chaud de filtrer ce genre de choses. J'ai Le Chant du barde quelque part, faudrait que je me penche dessus.

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  11. Très intéressante critique, surtout parce que je n'ai pas ressenti cette inconsistance sur les personnages et que je n'avais pas vraiment réfléchi à la place de la femme dans ce roman (ou en tout cas cela ne m'avais pas choqué...surement parce que je suis un mec qui aime la Hard-science...)
    Bref, c'est toujours agréable de se remettre en cause, et de lire d'autres point de vue, parce que pour moi ce roman fut une lecture bonheur.
    Pour l'anecdote, le site "senscritique" propose pas mal de diversité dans les avis de lecture sur ce roman...et un tas d'autres.

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