De partout, l’En-Dessous vomit la Technole. Sans que l’on sache
pourquoi, sourd cette bouillie toxique et nauséabonde qui, en un autre
temps, dans un univers bien différent, fit la fierté des hommes, le
symbole même de leur domination sur le monde. Des hommes qui,
aujourd’hui, exploitent les rebuts de cet univers disparu, mythique,
dans des gisements à ciel ouvert aux allures de décharges en quête des
oripeaux d’une gloire révolue…
Dans les rues de Caquehan la noire, capitale tentaculaire du royaume,
Obicion enquête. Et l’officieur de justice a fort à faire. Le crime est
odieux. Une jeune fille. Une adolescente. énucléée. Gorge tranchée
ouverte en croix. Là où, précisément, pour la première fois, la Technole
fit son apparition… Et à l’horreur s’ajoute l’étrangeté la plus absolue
car très vite, il s’avère que les os de la victime sont en… plastique.
Mon avis :
Je suis tombée amoureuse du style de Jérôme Noirez en lisant deux de ses nouvelles se situant dans l'univers macabro-déglingué de Féérie pour les ténèbres, à savoir Pour qui grincent les gonds et Sous le pont, dont vous pouvez retrouver la chronique ici. Elles sont tirées de l'intégrale tome 2 publiée chez Le Bélial'. J'ai donc logiquement décidé d'attaquer l'intégrale tome 1 ensuite (haha), avec le roman Féerie pour les ténèbres retravaillé par l'auteur.
Obicion, officieur de justice (flic quoi), enquête sur un meurtre très particulier : une jeune femme a été retrouvée morte, et c'est sale. Problème : ses os sont en plastique... Alors d'où sort-elle et qui l'a tuée ? Les rioteux, ces monstres difformes de l'En-Dessous, un féeur, sorte de magicien, un rebuteux, de ceux qui fouillent la Technole ? Nous allons suivre tour à tour une femme mercenaire, Obicion l'enquêteur, un sculpteur, deux orphelins, un barde, des rioteux, une chienne... Et continuer de nous enfoncer dans l’effrayant mystère et de patauger dans la Technole en surface et en sous-sol, poursuivis par des fraselés qui veulent nous étriper !
Féerie pour les ténèbres est comme vous le comprenez, inclassable, glauque et riche. Patrick Imbert a trouvé un terme qui colle bien : la fantasy poreuse. Dedans il y a : un mystère donc, une enquête, des meurtres dont un par oursins, de la magie, de la torture, de la technologie de provenance inconnue, une ambiance de livre de fantasy, de l'angoisse, de l'horreur, de l'humour noir... Et bien plus encore.
Il y a un proverbe chez les fraselés qui dit : "étripe ceux que tu aimes, aime ceux que tu étripes".
L'intrigue est prenante mais je l'ai trouvée presque secondaire par rapport à l'univers que crée Jérôme Noirez. (Presque, faut pas exagérer, elle est chouette quand même et bien tordue). On est dans le fantasme, côté cauchemar plutôt que rêve, à l'image de ces palais royaux dans lesquels on ne retrouve pas son chemin, où l'on trouve des étages pour les morts et d'autres pour les vivants, où les escaliers mènent dans des endroits parfois très dangereux et d'où certains ne reviennent jamais. Cela foisonne, c'est carrément Lewis Carrollesque en mode macabre.
La Technole, rebut de notre monde souillant le merveilleux est étrange. D'où vient-elle, que fait-elle là ? Pourquoi pousse-t-elle du sol pour se faire une place de force dans ce monde qui tient au départ du roman de Fantasy ? Cela donne un côté très décalé que j'ai beaucoup apprécié. Est-ce qu'on est après ou pendant mais ailleurs ? (Bonne question hein)
"Les enfants n'ont jamais connu le monde sans la Technole. Qu'un sentier rocailleux tracé par des générations de marcheurs laisse soudain place à une route goudronnée, qu'une chapelle isolée, consacrée au vent et aux corneilles, se retrouve au beau milieu d'un lotissement d'une centaine de maisonnettes toutes semblables, que des lampadaires électriques sortent de terre comme des champignons après la pluie, tout cela est à leurs yeux dans la nature des choses..."
Petit bémol : pas mal de coquilles tout de même (de conjugaison essentiellement), dans un si beau livre, avec une si belle couverture d'Aurélien Police, c'est dommage... Mais c'est beau alors on s'en fout :
Cliquez pour voir en plus grand le magnifique travail de l'illustrateur ! |
Pour résumer, j'ai passé un bon moment de lecture. Je trouve que la forme courte sied vraiment bien à cette œuvre décalée, cruelle et macabre, du coup j'ai préféré les nouvelles, mais le roman vaut son pesant de cacahuètes. Je peux comprendre ceux qui n'ont pas accroché à l'univers car c'est une histoire particulière, mais dans un monde tellement riche. Vous devriez réessayer ! En tous les cas, je compte poursuivre le cycle avec plaisir. Pour aller plus loin, vous pourrez lire ici un pdf de Jérôme Noirez sur ce qu'il appelle "Le merveilleux discordant".
Les avis d'Efelle, Nébal, Cachou.
Une lecture que je vous conseille, mais ayez le cœur bien accroché ! |
Je plussoie, l'immersion dans cet univers déjanté a été un vrai plaisir.
RépondreSupprimerIl ne reste plus qu'à lire le troisième roman.
Je l'ai lu il y a très longtemps, et j'ai tellement eu du mal à tout comprendre que je suis restée à distance de Jérôme Noirez depuis xD
RépondreSupprimer(mais purée, elle est belle cette couverture !)
Héhé j'aime bien le terme de fantasy poreuse, tiens ! Bon, je n'ai rien lu de Noirez donc je ne pourrai pas encore donner mon avis. Par contre, la couverture est magnifique. Quand je l'ai vu en libraire, je me suis dit "tiens, tiens, on dirait Aurélien Police" et en ouvrant le livre, banco !
RépondreSupprimerC'est vraiment un livre qui me tente beaucoup, mais c'est vrai que j'ai entendu des avis mitigés. Faudrait que je me lance quand même un de ces jours pour me faire un avis.
RépondreSupprimerAcr0 tu n'as pas lu Sam, l'album jeunesse ? C'est noir comme du Noirez et Beau comme du Police !
RépondreSupprimer