lundi 15 juin 2015

Hystérésis de Loïc Le Borgne

Hystérésis est un roman post-civilisation de Loïc Le Borgne paru chez Le Bélial'. D'habitude le monsieur est connu pour ses récits jeunesse/ado assez durs. Celui-ci est un roman adulte qui pour moi peut s'adresser aussi aux ados.

« Allô, c’est un enfant perdu qui vous parle.
Est-ce qu’il y a quelqu’un de l’autre côté ?
Non, vous êtes déjà morts.
Je suis l’enfant de vos enfants, je suis de votre sang.
Il y a une petite bougie allumée près de moi. Il faut économiser les bougies. Autour, c’est le noir de la cave, celle où je vis. »
Le temps a filé depuis la Panique, la grande, l’incommensurable débâcle qui a couru sur le monde, balayant jusqu’au dernier rêve d’une humanité autocentrée... Le temps a passé, oui, et il a fallu reconstruire comme on a pu. Essayer, en tout cas, et au prix fort : celui du savoir, bien sûr, mais aussi celui de l’espérance... Et quand Jason Marieke arrive à Rouperroux, misérable village accroché à sa survie précaire, lui, l’ancien, celui d’avant la Panique, homme en quête doté de connaissances mystérieuses et aux questions qui dérangent, alors semble sonner l’avènement d’une ère nouvelle, celle des réponses et du cortège d’horreurs qui les accompagne...

D'abord, un peu de vocabulaire. Hystérésis, définition selon le Larousse : "Propriété présentée par un système dont les propriétés à un instant donné dépendent de toute son évolution antérieure et pas seulement des paramètres décrivant le système à cet instant." Autrement dit, si on en est arrivés au contexte du roman, dans une France post-civilisation presque semblable au Moyen-Âge, c'est à cause de tout le chemin parcouru avant, et surtout de toutes les fautes des ancêtres. En effet à cause de la pollution, les catastrophes climatiques se sont enchainées, et la civilisation a sombré. Les anciens sont tenus pour responsables de la Panique, et ceux jugés et déclarés coupables d'avoir participé d'une façon ou d'une autre à la fin de ce monde ont été exécutés. Les survivants âgés ont perdu le respect des générations suivantes.

Et forcément si vous suivez bien, les ancêtres, c'est nous. Et on va en prendre plein la tronche dans ce livre. C'est marrant, ce matin j'écoutais France Info, et il y avait une interview de Nicolas Hulot. A un moment il a parlé en se mettant à la place des générations futures et il a dit "Ne nous balancez pas dans le vide." C'est exactement le propos du roman de Loïc Le Borgne, qu'il déroule à travers une histoire captivante.

Un adulte raconte une étrange histoire : il dit avoir écrit ce livre d'après ses souvenirs d'adolescent, alors qu'un homme âgé (et donc né pré-Panique) est arrivé dans son village et a ainsi déclenché (et mis au jour) une série d'événements terribles. Il dit aussi l'avoir placé dans un arbre magique, pour que le récit arrive... jusqu'à nous, dans le passé. Pour nous prévenir. J'ai bien aimé cette idée, et elle permet un épilogue plaisant.

J'ai apprécié la vision de ce futur désenchanté par Le Borgne. Pas si désenchanté que cela, car puisque la science a reculé, puisqu'elle a causé tant d'ennuis, puisqu'on l'oublie peu à peu, les superstitions sont revenues en force. La religion du village veut donc que les fées soient partout dans les arbres, arbres qui sont vénérés. Le bon côté des choses c'est que l'Homme se reconnecte à la nature. Le mauvais côté c'est que c'est sous forme d'une religion plutôt extrémiste, au fin fond de la cambrousse. L'auteur écrit comme dans un conte, agrémente de comptines et chansons, utilise la mythologie féérique et le mystère des forêts, tout cela enrobé d'un obscurantisme angoissant. 

"- A chaque fois qu'un enfant dit qu'il ne croit pas aux fées, il y en a une qui tombe raide morte, je sais tout ça par cœur, j'ai dit. Vous ne devriez pas trainer toutes seules.
- A chaque fois qu'une fée doute de l'existence des humains, il y en a un qui crève, a souri l'une des jumelles. C'est beaucoup plus drôle dans ce sens-là non ?"

Finalement, c'est l'histoire d'une vengeance à long terme, des enfants envers les adultes, des nouvelles générations envers les anciennes, mais aussi des femmes envers les hommes, dans laquelle toute notion de proportion a été perdue (Cela dit, la planète a été bousillée quand même, même si cela reste loin du lecteur à cause du huis-clos qui n'a que le village pour seul décor.)

Cette notion de jugement des générations précédentes m'a rappelé Ainsi finit le monde, le roman de James Morrow dans lequel les personnes mortes dans une guerre nucléaire sont jugées par tous ceux qui auraient dû être mais ne seront jamais, descendants virtuels de l'humanité éteinte.

Malheureusement, j'ai été un peu déçue par la fin du récit de souvenirs du gamin. J'ai trouvé qu'on perdait en tension, alors qu'elle était vraiment présente dans les deux premières parties du livre. Mais point de vue tension, l'épilogue rattrape tout !

Pour résumer, Hystérésis de Loïc Le Borgne publié au Bélial' est un roman post-civilisation qui se déroule en huis-clos dans un village aux habitants inquiétants. La vision de ce futur obscurantiste m'a plu, portée par une plume à la fois poétique et directe. L'auteur lance une avertissement, nous interpelle sur notre comportement envers la nature et imagine des générations futures vengeresses. "Ne nous balancez pas dans le vide".
Les avis de Cornwall, Kissifrott, Cachou

Cornwall a lu Les Chambres inquiètes de Lisa Tuttle.

Défi Âne VS Papillon #13 relevé !

Hystérésis
de Loïc Le Borgne
Éditions du Bélial' - février 2014
360 pages
Illustration de couverture d'Aurélien Police
Papier : 19€ / Numérique : 7,99€

3 commentaires:

  1. On a visiblement pas eu le même coup de cœur. Mais je suis contente qu'il t'ai tout de même plu.

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  2. C'est un excellent roman, mais je crois que je m'attendais à "pire" dans le côté post-civilisation !

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  3. ha ha ha ..... et ma PAL qui va encore grandir ......

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