Recueil de nouvelles fantastiques de Lisa Tuttle, choisies, présentées et traduites par Mélanie Fazi.
Mon avis :
Ainsi naissent les fantômes, recueil de nouvelles de Lisa Tuttle, a été publié par l'association Dystopia, qui a demandé à Mélanie Fazi de choisir ses récits préférés de l'auteur afin de les traduire et les réunir. Il a reçu le Grand Prix de l'Imaginaire aux Etonnants Voyageurs 2012. Et c'est amplement mérité.
Lisa Tuttle est une auteure américaine, mais britannique d'adoption, qui excelle dans l'écriture de récits fantastiques, et est connue pour son féminisme. Mélanie Fazi est une auteure française montante des genres de l'imaginaire qui a été très inspirée par l’œuvre de Tuttle, ce qu'elle nous explique dans son intéressante préface.
J'ai énormément de choses à dire sur ce petit bouquin fort réussi qui est un coup de cœur !
Je vais commencer par la couverture renversante de Stéphane Perger qui a, entre autres, déclenché mon achat aux dernières Utopiales. Wahou quoi.
Cliquez pour bien la voir ! |
Comme l'indique assez clairement l'illustration, la femme, parfois écrivaine, est au cœur de cet ouvrage. Chacune des six nouvelles a une femme pour héroïne, même si la dernière, La fiancée du Dragon, est racontée par un homme.
Rêves captifs : Cette histoire de séquestration démarre en beauté un recueil perturbant. La victime nous raconte son évasion et son calvaire dans ce noir placard... L'auteure nous accroche tout de suite et le récit se déroule sans aucun voyeurisme. Le lecteur a vraiment l'impression de vivre ce cauchemar avec la narratrice. Estomaquant. Clairement ma nouvelle favorite, qui continue de bien me faire cogiter !
Il m'est arrivé quelque chose d'affreux quand j'étais petite.
L'heure en plus : Histoire de femme et d'écrivaine, la narratrice nous explique comment, après avoir souhaité avoir une heure de plus par jour pour écrire, elle a vu apparaître dans le mur de son escalier une mystérieuse porte, menant vers le bureau de ses rêves... Cela ne se finira pas du tout comme elle le souhaitait, mais il est difficile d'en dire plus sans révéler l'intrigue ! Une réflexion sur la vie de femme et de mère.
Une heure, c'est tout ce que je demande.
Le remède : Nous sommes à la limite de la SF dans cette nouvelle nous contant l'histoire d'amour entre deux femmes dont l'une a perdu peu à peu l'usage du langage, à l'instar d'une bonne partie de la population, à cause d'un vaccin. Cela m'a fait penser à une parabole sur le vieillissement du couple. La fin laisse augurer des choses terribles pour l'humanité...
C'est dans cette pièce, jour après jour, que je transforme ma vie en langage.
Ma pathologie : Voici un récit qui pour moi parle des relations malsaines qu'il peut exister entre un homme et une femme. La narratrice rencontre Daniel, dont elle tombe amoureuse. Celui-ci a un hobby étonnant : il pratique l'alchimie. Un jour, elle tombe enceinte, mais tout ne se passe pas normalement... Elle commence à voir une bulle bizarre à l'extérieur de leur maison. C'est un récit qui m'a perturbée, à cause de l'image tordue de l'enfantement qu'il décrit. Il m'a fait froid dans le dos.
L'amour est un besoin fondamental chez l'être humain.
Est-il logique d'en parler comme d'une maladie ?
Est-il logique d'en parler comme d'une maladie ?
"Mezzo-tinto" : C'est sûrement la nouvelle qui m'a le moins convaincue. Elle est courte et raconte la découverte par la narratrice d'un mezzo-tinto, une gravure, sur le mur de la maison qu'elle partage avec son petit-ami. Elle est certaine de ne l'avoir jamais vue, lui maintient qu'elle a toujours été là... C'est un hommage de Lisa Tuttle à une nouvelle de M. R. James qui l'a marquée.
La façade du pavillon évoquait un visage grossièrement dessiné.
La fiancée du Dragon : Le narrateur est masculin, mais le personnage central est définitivement féminin. C'est la femme qu'il aime. On est ici dans le récit d'horreur conjugué au sexe. Une histoire inquiétante car la jeune femme a une perte de mémoire sur deux mois de sa jeunesse, qui semblent pourtant décisifs dans sa vie. Elle sait que quelque chose de terrible s'est passé, et neuf ans après, cela la rattrape. L'auteure nous tient parfaitement en haleine dans cette longue nouvelle.
Il y a deux mois de mon enfance dont j'ai tout oublié ; les deux mois les plus importants de ma vie.
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Le recueil se termine par un entretien des plus instructifs entre Mélanie Fazi (qui a fourni un travail admirable, il faut le souligner !) et Lisa Tuttle. Il a éclairé et confirmé certaines de mes impressions !
La femme bien sûr est au centre des préoccupations de Lisa Tuttle, notamment la grossesse et l'enfantement :
Quelque chose de vivant grandit en vous !
Qui fait partie de vous sans faire partie de vous... et qui peut vous tuer.
Qui fait partie de vous sans faire partie de vous... et qui peut vous tuer.
De même, j'ai ressenti que la maison, le foyer, où l'on est supposé se sentir en sécurité, sont pour les personnages le théâtre des pires angoisses et abus. J'ai été très contente de voir que Mélanie Fazi s'était fait la même réflexion et avait posé la question :
- T'intéresses-tu particulièrement aux maisons dans la fiction ? Dans tes textes, elles reflètent souvent la personnalité de leurs occupants, ou laissent deviner au lecteur qu'il se passe quelque chose d'anormal.
- En effet ! On dit souvent que rêver d'une maison revient à rêver du soi, et que les différentes pièces représentent les différentes parties de la personnalité (ou de la vie). Pour moi c'est également vrai en fiction.
Pour en terminer avec cette interview, je citerai cette superbe phrase de Lisa Tuttle, qui l'a faite entrer définitivement dans les auteurs que je souhaite suivre :
Lorsqu'ils sont bien écrits, je trouve en règle générale qu'un bon roman de science-fiction, de fantasy, de fantastique ou un bon roman policier sont bien plus agréables à lire que la plupart des romans de littérature blanche qui visent la respectabilité littéraire.
Et bien voilà, je vous avais dit que j'avais plein de choses à dire ! Je vais finir en vous parlant un peu de l'association Dystopia dont "l'objectif premier est l'organisation d'évènements liés aux littératures
de l'imaginaire, policières et "mainstream". Elle travaille notamment,
en collaboration avec les libraires et les éditeurs, à rassembler les
fonds et à organiser la venue d'auteurs étrangers sans pour autant
devoir lier l'événement à la publication d'un ouvrage de l'auteur."
Fondée en mai 2009 par Tallis (Librairie Charybde, président), Clément Bourgoin (Librairie Ys, secrétaire) et Xavier Vernet (Librairie Scylla, trésorier), elle a publié cinq ouvrages, dont un est actuellement en précommande.
Pour 15 euros, ce recueil de Lisa Tuttle vous ravira, alors surtout n'hésitez pas !
Ma chronique de la nouvelle gratuite Le vieux M. Boudreaux.
A noter : les Dystopiales 3 auront lieu du 22 au 24 juin 2012
J'ai dû passer par la France pour l'avoir celui-là, impossible de le commander en Belgique via librairie... Et puis, bêtement, je l'ai oublié. Il faudra que je me repenche sur son cas donc ;-p.
RépondreSupprimerOui franchement n'hésite pas ! Je l'avais mis de côté depuis les Utopiales, je suis bien contente de l'avoir enfin découvert !
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup, à la fois Lisa Tuttle et Mélanie Fazi (dont j'ai encore un livre dans ma PAL) alors je vais vite me procurer ce bouquin.
RépondreSupprimer:)
A l'air trop bien !!!
RépondreSupprimerFoncez les garçons, c'est vraiment très très bon !
RépondreSupprimerEt cette première nouvelle brrrrr
J'ai adoré cette lecture aussi (Mezzo tinto est celle qui m'a le moins plu aussi ^^), il faut vraiment que je m'intéresse à ses autres recueils maintenant...
RépondreSupprimerOui il y a Sur les ailes du cauchemar et Le nid qui ont l'air sympa !
RépondreSupprimerUn coup de cœur pour moi aussi que ce petit recueil, à tous points de vue. Je suis contente qu'il t'ai plu.
RépondreSupprimerLa couverture est sublime. J'hésite à le lire car joe ne suis pas très nouvelles, même s'il est un coup de cœur pour toi.
RépondreSupprimerJe ne peux que te conseiller de te lancer !
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