vendredi 19 février 2021

L'Amour, la Mort de Dan Simmons

"La mâchoire bougeait. J'entendis claquer les tendons séchés et ratatinés qui se tendaient et sautaient."
 
L'Amour, la Mort est un recueil de cinq nouvelles de Dan Simmons, préfacé par l'auteur et aujourd'hui republié chez Pocket Imaginaire. Bravo pour l'illustration de couverture de Nicolas Caminade, parce que quand on voit les anciennes, VO ou VF, c'est consternant.

En ce mois de février, quoi de mieux qu'un livre sur la mort l'amour ?

Entre vieilles légendes sioux, bas-fonds de Bangkok, futur dystopique et passé recomposé, Éros et Thanatos dansent ensemble pour mieux révéler les fêlures humaines. Quand l’horreur se pare de douceur, que le fantasme se fait fantastique et cruel, que la drogue du passé tue pour oublier le présent… 

Ce recueil contient :

  • Le Lit de l'entropie à minuit, Prix Locus de la novelette en 1991
  • Mourir à Bangkok, Prix Bram Stoker et Locus de la novelette en 1994
  • Coucher avec des femmes dentues
  • Flash-back
  • Le Grand Amant, Grand Prix de l'Imaginaire de la nouvelle étrangère en 1996

On commence la lecture par Le Lit de l'entropie à minuit, l'histoire d'un père en vacances avec sa fille de 6 ans. On devine qu'il est séparé de la maman, et peu à peu il nous raconte sa vie en flash-backs. Le début de la nouvelle donne le ton : alors qu'il est sur l'autoroute en direction de son lieu de villégiature, un camion provoque un grave accident sur la voie opposée, tuant trois jeunes filles sur le coup.

Le Lit de l'entropie à minuit est une nouvelle assez difficile et malaisante, sur l'amour filial et la perte. Elle a reçu le Prix Locus de la novelette en 1991.

Arrive ensuite la multi primée, traumatisante et traumatisée Mourir à Bangkok. Un homme y raconte la guerre du Vietnam, mais pas les combats : les permissions à Bangkok, avec un de ses camarades, dans les lieux de débauche où les corps sont utilisés. Un texte horrifique mais aussi érotique, écrit en pleine épidémie du SIDA, où celui-ci prend la forme d'une vampire capitaliste. Dur et marquant.

Coucher avec des femmes dentues dit l'aversion de Dan Simmons pour le film Danse avec les loups, dont il dénonce la condescendance. J'ai assez peu accroché je dois dire, bien qu'il y mette en avant l'héritage des Amérindiens.

Flash-back est une nouvelle de SF. Dans un futur proche, une nouvelle drogue sévit en Amérique : le flash-back. Ce tube qui s'inhale permet de revivre quelques minutes de votre vie passée, bons comme mauvais moments, au choix. Toute la nation semble devenue bonne à rien à cause de cette addiction et de fait l'Amérique est en déliquescence et sous le joug japonais. Les américains oublient d'aller travailler ou d'avoir des relations familiales normales. L'Europe n'a pas l'air de relever le niveau.

La famille de Val, un adolescent en perdition, compte trois personnes : lui, qui utilise déjà régulièrement la drogue à à peine 15 ans, sa mère, greffière au bureau du procureur et qui prend du flash-back pour revivre ses meilleurs moments avec son ex-mari, et son grand-père maternel, qui étrangement revit toujours en flash-back l'assassinat de Kennedy comme s'il était un de ses gardes du corps, alors même qu'il n'avait que 18 ans à l'époque. 

Une nouvelle étonnante, et encore une fois dramatique dans laquelle Simmons critique ouvertement l'ère Reagan et où le lecteur comprend bien que l'auteur a des tendances de droite. Flash-back, écrite en 1993, a donné naissance au roman Flashback sorti en 2011, Lorhkan en parlait sur son blog.

Enfin, le recueil se termine avec Le Grand amant, nouvelle connue de l'auteur, qui a été récompensée en France par le Grand Prix de l'Imaginaire en 1996. Elle nous raconte l'histoire d'un poète dans l'enfer des tranchées. Son journal aurait été retrouvé après avoir été mal archivé. Ici Simmons prouve son amour des poèmes et poètes, en attribuant à son personnage la paternité de textes écrits par d'autres comme A.G. West, Sassoon, Sorley ou encore Lord Byron. Le tout est intégré dans un écrin à la fois d'horreur (de la guerre) et d'amour avec un personnage fantastique.

Au final, L'Amour, la Mort de Dan Simmons est un recueil de nouvelles de qualité, plutôt grave et liant étroitement Eros et Thanatos. J'ai apprécié d'entrevoir la vision de l'auteur des enjeux des années 90. Pas toujours facile à recevoir et assez malaisant, c'est un livre dont les textes ont pour certains donné naissance à des romans. A (re)découvrir chez Pocket Imaginaire.

Dans le cadre de mon podcast Une nouvelle histoire commence, écoutez les premières pages de la nouvelle Le lit de l'entropie à minuit. Merci à l'auteur et à l'éditeur pour leur accord !

L'Amour, la Mort
de Dan Simmons
Pocket Imaginaire - Janvier 2021
512 pages
Traduit par Monique Lebailly
Papier : 8,70€ / Pas de version numérique
Titre original : Lovedeath - 1993

4 commentaires:

  1. Assez violent et percutant l’univers de Dan Simmons,de qualité comme tu dis tout de même et moi souvent il m’a fait penser à ce qu’écrit Thomas Day à Bangkok qui est pas mal aussi.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Clairement difficile à digérer mais aussi très bien écrit !

      Supprimer
  2. Pourquoi pas à l'occasion... je suis surtout intéressée par Mourir à Bangkok qui a l'air très marquantes

    RépondreSupprimer

Pages vues