jeudi 2 avril 2015

♥ Le Voyage de Simon Morley de Jack Finney

Le Voyage de Simon Morley de Jack Finney est considéré comme un roman classique sur le voyage dans le temps. Écrit en 1970, puis traduit en français en 1993, il a fait l'objet de plusieurs rééditions chez Denoël. La dernière, chez Lunes d'encre, date de mars 2015 et possède une jolie couv' d'Aurélien Police. C'est pour moi l'occasion de découvrir ce roman épuisé depuis quelques années, et qui a reçu le Grand Prix de l'Imaginaire en 1994.

Pour remonter dans le passé lointain, il n'est pas nécessaire d'utiliser une machine à voyager dans le temps. Il suffit de s'imprégner de l'époque dans laquelle on désire se rendre, de se dépouiller de toutes les pensées, comportements qui vous ancrent dans le présent, bref, de se conditionner mentalement et physiquement, pour être projeté dans le temps que l'on croyait perdu. Telle est la théorie du Pr. Danzinger. Informé de ce projet, qui a secrètement l'aval et le soutien logistique du gouvernement américain, Simon Morley doute, hésite... Mais la médiocrité de son existence, la curiosité, et le mystère qui entoure le suicide d'un aïeul de son amie Kate, finissent par le décider. Installé dans un appartement du «Dakota», un vieil immeuble new-yorkais demeuré intact, il va s'y comporter comme un homme de la fin du XIXe, et un soir de neige, après des jours d'efforts et d'attente, le miracle se produit...

Le Voyage de Simon Morley est un beau pavé : 538 pages de pur bonheur (enfin presque !) autour du voyage dans le temps. Ce roman réunit de nombreuses qualités.



Dakota building, New York
L'immersion est immédiate. Le lecteur entre tout de suite dans le vif du sujet. En effet, Simon est recruté dès le premier chapitre pour une mission secrète. Et comme il est très doué, il se retrouvera vite en 1882. La documentation de l'ouvrage permet également de se plonger avec plaisir dans l'histoire (et l'Histoire). Les descriptions de New York et de ses habitants sont nombreuses et détaillées, quasi amoureuses. J'ai immanquablement pensé à Connie Willis, c'est tout à fait ce style de roman, bourré d'informations et de détails historiques, sans grand spectacle, la vraie vie, brute. Finney a néanmoins pris quelques libertés, qu'il assume, comme avec l'immeuble Dakota : Simon y loue un appartement en 1882, ce qui est impossible, puisque sa construction ne s'est achevée qu'en 1885. L'auteur s'en explique dans la courte postface, et on ne lui en veut pas.

Le métro aérien de New York
C'est aussi un récit illustré que nous offre Finney : il a sélectionné des photos et dessins d'époque, qu'il attribue à son narrateur, pour étoffer son propos. Cela fonctionne à merveille ! Au début j'ai eu des doutes, la qualité des clichés et des dessins, alliée aux techniques d'impression classiques d'un livre, étant limite, mais finalement ça s'intègre parfaitement à l'histoire.

L'intrigue, quant à elle, est intelligente, prenante et surtout accessible. En effet, c'est probablement un récit de voyage dans le temps que je pourrais conseiller à un novice. Au début du roman, plusieurs personnages expliquent clairement le principe du voyage dans le temps à Simon, comment il pourra y parvenir, quelle est sa mission... Attention, ce n'est pas simpliste, mais c'est limpide. Du côté des personnages, il y a beaucoup d'interactions entre Simon et  les personnes qu'il rencontre dans le New York de 1882, et une vraie aventure se noue. On a même une beeelle histoire d'amuuuuur, et une intrigue presque policière.

Un petit bémol à moi que j'ai, dû évidemment au fait que le roman date de 1970 : Monsieur Finney, monsieur Morley, pour cette fois je passe sur ce ton paternaliste avec les femmes, parce que vous les traitez bien par ailleurs. Mais que cela ne se reproduise pas.

Autres détails qui m'ont chiffonnée : ce gars a la possibilité de voyager comme il veut entre deux époques, et ne l'utilise vraiment pas assez ! D'autre part, il ne se documente pas suffisamment sur le passé pour une personne en "mission" pour le gouvernement. Sans compter le fait qu'il ne se pose pas assez de questions sur cette fameuse mission. Autant dire qu'on a affaire à un narrateur plutôt naïf, mais sympathique.

Un passage du roman
Pour finir, j'ai apprécié le fait que Finney ne se gêne pas pour dire clairement ce qu'il pense de son époque : guerre du Vietnam (un sujet que j'espérais voir abordé, si succinctement que ce fut, et malheureusement c'est arrivé un peu tard), politique, environnement... et en profite pour dénoncer les dangers du voyage dans le temps, notamment en de mauvaises mains. Avec une pointe de nostalgie, son narrateur pense clairement que "c'était mieux avant".

Une dernière question : Denoël rééditera-t-il  la suite écrite par Finney en 1995 (soit 25 ans plus tard), Le Balancier du temps, pour le moment indisponible ? Je vous rassure, quoiqu'il en soit, Le Voyage se lit comme un one-shot.  

EDIT - Réponse de l'éditeur, Gilles Dumay, directeur de la collection Lunes d'encre, en commentaire :

"Très sincèrement je ne pense pas rééditer la suite, Le Balancier du temps.
Je voulais absolument garder au catalogue ce titre, Le Voyage de Simon Morley, car ça a été quand je suis arrivé chez Denoël en 1998 un de mes coups de cœur de retard de lecture. J'étais passé totalement à côté, au moment de sa sortie...
A cela s'ajoute le projet de film hollywoodien qui, tel le serpent de mer, refait surface de temps à autre.
Ce livre de Jack Finney gagne énormément à être lu avant ou après Le jeune homme, la mort et le temps de Richard Matheson, il y a une communauté d'âme assez fascinante entre ces deux titres."


Pour résumer, Le Voyage de Simon Morley de Jack Finney chez Denoël, collection Lunes d'encre mérite son titre de classique du voyage dans le temps. A la fois immersif, clair et documenté, c'est à mon avis un incontournable. L'intrigue est intelligente, prenante, et surtout accessible. Les illustrations choisies par l'auteur s'intègrent parfaitement au récit et lui donnent de la substance. Malgré quelques reproches minimes, et un manque d'engagement certainement dû à une volonté affichée de divertir avant tout, il entre dans la catégorie "à lire absolument". Laissez-vous emporter !


Les avis de Cachou, Blackwolf, Strega, Acr0...


http://unpapillondanslalune.blogspot.fr/2014/10/challenge-retour-vers-le-futur-voyagez.html

Le Voyage de Simon Morley
de Jack Finney
Denoël - Lunes d'encre - mars 2015
Précédemment : Denoël en 1993 / en 2000
538 pages
Traduit de l'anglais par Hélène Collon
Papier : 24€ / Numérique 16,99€
Titre original : Time and again - 1970

10 commentaires:

  1. Héhé, à moi aussi le rapprochement avec le diptyque de Connie Willis s'est imposé. C'est vrai que le ton paternaliste avec les femmes peut légèrement faire tiquer. Je me dis que c'est la naïveté de Simon Morley qui contribue à ce qu'on s'y attache.

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    1. Un roman à remettre dans son contexte : années 70 !

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  2. Allez hop dans la wish list ^^

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  3. Très sincèrement je ne pense pas rééditer la suite, Le Balancier du temps.
    Je voulais absolument garder au catalogue ce titre, Le Voyage de Simon Morley, car ça a été quand je suis arrivé chez Denoël en 1998 un de mes coups de cœur de retard de lecture. J'étais passé totalement à côté, au moment de sa sortie...
    A cela s'ajoute le projet de film hollywoodien qui, tel le serpent de mer, refait surface de temps à autre.
    Ce livre de Jack Finney gagne énormément à être lu avant ou après Le jeune homme, la mort et le temps de Richard Matheson, il y a une communauté d'âme assez fascinante entre ces deux titres.

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    1. Merci de ton éclaircissement ! Il vaut donc mieux lire le Matheson que la suite, qui effectivement à la lecture du roman, semble accessoire.

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  4. En tout cas, ton article est très convaincant. Le sujet me plait, et s'il y a du suspense, alors c'est gagné :-) Je le place en bonne position sur ma liste.

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  5. On dirait bien que ce roman est fait pour moi ; j'ai adoré Le jeune homme, la mort et le temps de Richard Matheson, je suis fan de Connie Willis, et les histoires de voyages temporels me fascinent ;)
    Merci pour cette excellent billet !

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  6. Un must en effet, ce roman ! D'autant plus que si j'ai bien calculé, le voyage en question a lieu le 21 janvier 1971, le jour de ma naissance !

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