Je suis ton ombre est un roman fantastique de Morgane Caussarieu publié chez Mnémos en juin 2014. Je me suis décidée à le lire suite à l'enthousiasme de Gromovar et de Cornwall.
Le Temple, petit village du Sud-Ouest, ses plages, ses blockhaus, son unique bistro, son école où la violence est le seul remède à l’ennui. Poil de Carotte y vit seul avec son père handicapé. Gamin perturbé aux penchants sadiques et souffre-douleur de ses camarades de classe, sa vie bascule lorsqu’il se rend dans une ferme calcinée en lisière de forêt. Des fantômes y rôdent, paraît-il. Mais en lieu et place de revenants, il découvre un étrange manuscrit rédigé par des jumeaux, il y a trois cents ans. Leur vie sauvage et heureuse à La Nouvelle-Orléans tourne au cauchemar lorsqu’un sulfureux marquis les prend à son service. Plus Poil de Carotte avance dans sa lecture, plus des événements étranges surviennent : un chat noir qui parle, une voix qui lui chuchote la nuit à l’oreille, un enfant au teint trop pâle et aux lèvres trop rouges… Et s’il avait réveillé des forces aussi malsaines qu’attirantes ?
Poil de Carotte habite au Temple, petit bourg des Landes. Victime de violences quotidiennes à l'école, il ne peut pas se confier à son père, ayant lui-même ses propres problèmes : il est handicapé et défiguré. Le jeune garçon reproduit ces violences sur les plus faibles que lui, notamment des animaux. Autant dire qu'on nage en pleine misère, sociale et affective. Un jour, il est interpelé par un chat qui parle et un fantôme de petit garçon, et trouve un étrange carnet dans une ferme incendiée.
Je suis ton ombre est un roman à atmosphère. L'auteure crée non pas une mais deux ambiances oppressantes. D'un côté, Poil de Carotte, son quotidien, la violence, les corvées à la maison, la non communication avec son père, la souffrance de la perte, la solitude. De l'autre, grâce au carnet trouvé et lu par Poil de Carotte, nous suivons deux jumeaux, trois siècles plus tôt, de l'autre côté de l’Atlantique dans le bayou de Louisiane, au temps de la colonisation et de l'esclavage. Deux récits parallèles à la première personne, avec deux styles opposés : Poil de Carotte pense comme il parle, de façon vulgaire mais percutante, tandis que le jumeau qui raconte son histoire par écrit le fait d'un style soutenu plein de non-dits.
Morgane Caussarieu nous offre deux histoires aussi malsaines et captivantes l'une que l'autre. Ces enfants, qui représentent l'innocence, se retrouvent confrontés au Mal et à la souffrance, sous toutes ses formes, et surtout ne semblent pas toujours comprendre que ce qui leur arrive n'est pas normal. Un profond malaise s'installe rapidement, sans qu'on puisse pourtant lâcher le livre.
En plus de l'atmosphère étouffante du bayou et du malaise causé par le plat paysage landais (que je comprends parfaitement, le ressentant moi-même quand je passe dans ce genre d'endroit), ce qui me reste en mémoire sont les souffrances et violences endurées par les enfants. Ceux-ci tentent de les gérer à leur façon, tandis qu'ils sont peu à peu broyés par la vie. Poil de Carotte n'est même, me semble-t-il, jamais nommé, comme s'il n'avait pas paru important qu'il ait un prénom, comme s'il n'était personne. Cela convient d'ailleurs parfaitement à la façon dont l'auteure a choisi de mener son récit.
J'ai beaucoup aimé le fait de suivre l'histoire de Jean et Jacques à travers les yeux de Poil de Carotte : étant un enfant lui-même, il ne saisit pas forcément ce que nous, lecteurs adultes, comprenons des épreuves indicibles que traversent les jumeaux. Malgré tout ce qui peut sembler corrompu et tordu en lui, il garde cette innocence et cette ignorance qui le protège (un tout petit peu et pas très longtemps...) de l'horreur subie dans cette maison coloniale par les deux frères.
Caussarieu revisite le mythe du vampire et le transpose, mais l'applique aussi aux créatures non fantastiques, à ces monstres humains qui bousillent la vie des innocents. Finalement, le vampire n'est pas que celui qu'on croit. Âmes sensibles, s'abstenir.
Caussarieu revisite le mythe du vampire et le transpose, mais l'applique aussi aux créatures non fantastiques, à ces monstres humains qui bousillent la vie des innocents. Finalement, le vampire n'est pas que celui qu'on croit. Âmes sensibles, s'abstenir.
Autre fait remarquable : Je suis ton ombre, au-delà de son histoire presque insupportable, est une ode à la lecture. Au fur et à mesure que Poil de Carotte avance dans le récit, il éprouve de plus en plus d'impatience à connaître la suite, il n'arrive plus à se coucher à une heure raisonnable, lit même en classe, et s'identifie aux personnages. L'enfant découvre ce plaisir propre à la lecture, et c'est une facette du roman proche de l'addiction qui m'a plu.
"Je pensais pas que lire, ça pouvait vous chambouler le ventre à ce point."
Pour résumer, Je suis ton ombre de Morgane Caussarieu publié chez Mnémos est un roman vampirique captivant, aux atmosphères oppressantes et malsaines. L'auteure maîtrise ses deux récits entrelacés, pourtant de styles opposés, et tous deux à la première personne. Il faut avoir le cœur bien accroché pour lire l'insupportable et l'indicible. Un récit marquant autour de la souffrance, du traumatisme de l'enfance brisée, et de la solitude...
Lecture n°21 dans le cadre du challenge SFFF au féminin |
Je suis ton ombre
de Morgane Caussarieu
Éditions Mnémos - Juin 2014
282 pages
Papier : 20€ / Numérique : 8,99€
Il a l'air sympathique celui-ci, je vais essayer de ne pas l'oublier !
RépondreSupprimerSympathique n'est pas l'adjectif que j'utiliserais, mais oui c'est marquant, je te le conseille.
SupprimerMUHAHA ! Tu es hypnotisée.
RépondreSupprimerC'est probable, il va falloir que je me penche sur Dans les veines du coup
SupprimerJ'ai prévu de le lire celui-là, faut juste qu'il soit dispo en bibliothèque.
RépondreSupprimerJ'en connais au moins une où il est dispo mais bon !
SupprimerIntéressant. Je note, soit pour le trouver en bibliothèque, soit pour une éventuelle (et sans doute lointaine) sortie poche.
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