"Réinventer un événement réel dans une version romancée m'avait fait toucher du doigt l'importance de la fiction, de la narration, lorsque la vérité était trop malséante ou trop complexe, ou tout simplement une chose que l'on préfèrerait ne pas révéler. On pouvait toujours raconter une histoire." Ben Matson, narrateur du roman.
Conséquences d'une disparition de Christopher Priest est le dernier roman en date d'un auteur que j'adore. Il est paru comme habituellement chez Lunes d'encre, sauf que ce n'est pas vraiment de la SF. C'est plutôt de la littérature générale mêlée d'un peu d'histoire secrète, le tout à la sauce Priest. Sauce qui n'a pas énormément pris avec moi 😢
En 2000, Ben Matson débute une
relation passionnée avec Lilian Viklund. L'année suivante, la jeune
femme disparaît. Vingt ans après, le décès d'un scientifique de renom,
Kyril Tatarov, fait la une des journaux, tandis que les débris d'un
avion sont retrouvés dans l'Atlantique. Ces deux événements, a priori
sans rapport, replongent Ben dans les souvenirs de son histoire avec
Lilian.
Conséquences d'une lecture...
Christopher Priest est l'un de mes auteurs doudous ! D'aussi loin que je me souvienne, j'ai rarement été déçue par sa production. Du coup il fallait bien que ça arrive un jour.
Conséquences d'une disparition a pourtant des atouts. L'auteur aborde la thématique du deuil, rendu encore plus difficile par les conditions dans lesquelles celui-ci est survenu : Ben a perdu sa petite amie dans les attentats du 11 septembre, aucune trace de son corps n'a jamais pu être identifiée. J'ai trouvé que Priest maîtrisait l'histoire de cet homme devenu obsessionnel face à cette perte soudaine et incroyable, scrutant la moindre info contradictoire sur le 11 septembre, se noyant dans l'incertitude puis reprenant finalement tant bien que mal le cours de sa vie.
Le jeu sur la mémoire est probablement ce que ce roman a de plus Priestien. Nos souvenirs ne sont pas la réalité, on finit par les modifier, les idéaliser, ou ils deviennent flous. Le temps qui passe altère la mémoire. Plusieurs personnes ne se rappelleront pas le même événement de la même façon et il en est de même pour le 11 septembre, mais l'auteur nous rappelle aussi une autre chose : il y a l'événement / le souvenir individuel / le souvenir collectif, souvent façonné d'une façon ou d'une autre par les médias. Enfin c'est extrêmement bien vu.
Oui mais. Il faut oser parler d'un sujet aussi sensible que le 11 septembre. Priest précise dans diverses interviews qu'on a affaire à une fiction. Le thème est intéressant et a plus que du potentiel. Sauf que personnellement, arrivée aux deux tiers du roman, je n'en pouvais plus de ces théories du complot, du rabâchage obsessionnel de cet homme à la recherche de réponses. Pourtant c'est à mon avis précisément ce que voulait Priest, qu'on se mette à la place d'une personne qui aurait perdu quelqu'un dans ces conditions, qui douterait de tout. Alors ça fonctionne, mais au bout d'un moment, au secours. Parce que je me retrouvais en pleine nuit à consulter les internets pour avoir des éléments supplémentaires !! Stop !!
Finalement, Conséquences d'une disparition est un roman qui a le mérite de faire réfléchir, mais qui a les défauts de ses qualités. L'obsession du narrateur pour le 11 septembre est tellement bien rendue qu'il nous fait douter de la réalité. En cela, Priest réussit son coup. Et puis c'est beau l’Écosse. Pourtant j'ai eu du mal à aller au bout par indigestion de théorie du complot et surtout sans intrigue plus consistante. Alors Christopher, je t'aime toujours, mais Conséquences d'une disparition n'était pas pour moi. Vivement le prochain roman !
Une interview de Christopher Priest "Le 11 septembre dérange, même dans la fiction."
Des avis sur la blogo :
- Lorhkan : "captivant !"
- Le Chien : "addictif au possible"
- Blackwolf : "Très bonne lecture"
- Yogo : "un roman étonnant"
- Acr0 : "on en vient à douter de tout"
Conséquences d'une disparition
de Christopher Priest
Denoël Lunes d'encre - Septembre 2018
Traduit de l'anglais par Jacques Collin
335 pages
Papier : 21,50€ / Numérique : 15,99€
Titre original : An American story - 2018
Je n'ai pas eu la même perception du livre que toi.
RépondreSupprimerPour moi tout tourne autour, du souvenir, de la mémoire et surtout de la perception de la réalité.
Les théories du complot ne sont qu'un outil pour alimenter la réflexion. Et le 11 septembre est le seul événement que tout le monde connait sans vraiment le connaitre !
Un outil bien trop envahissant, j'ai fait une overdose vers la page 200 😭
SupprimerAlors ça, c'est étonnant. Peut-être trop sur un évènement proche et tangible comparé à ses autres romans ? En tout cas si on m'avait dit que Lune serait la moins convaincue d'un roman de Priest. =O
RépondreSupprimerComme quoi tout arrive ! Peut-être à cause d'une thématique trop tangible justement.
SupprimerBonjour, de tous les romans de cet auteur, lequel conseillez-vous de lire en premier ? Merci :)
RépondreSupprimerLe monde inverti selon moi !
Supprimer"Finalement je suis la seule à ne pas grimper aux rideaux sur ce coup ?" est-ce que cela peut te rassurer si je te dis que ce n'est pas mon livre préféré de notre auteur chouchou ? Je suis restée circonspecte sur plusieurs éléments mais je n'ai pas été troublée par l'obsession du protagoniste. J'ai apprécié la dissonance cognitive dans laquelle trempent les pages. Tout comme Yogo, j'ai su m'intéresser au quid de l'interprétation.
RépondreSupprimerC'était trop pour moi, au détriment de l'intrigue !
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