Futu.Re est le dernier roman de Dmitry Glukhovsky, l'auteur/blogueur russe à qui l'on doit le phénomène Metro 2033, et plus récemment Sumerki, récompensé par le Prix des Utopiales 2014. Publié par L'Atalante, Futu.Re est une dystopie qui a la particularité d'être racontée par un "Immortel", un soldat au service du gouvernement, chargé de retrouver les personnes ayant des grossesses ou des enfants non déclarés. Il est aussi raciste, violent... Autrement dit, un narrateur peu recommandable.
Dans un futur lointain, l'humanité est parvenue à manipuler son génome pour stopper le vieillissement et accéder à l'immortalité. En Europe, où la population avoisine le trillion de personnes, la loi du Choix décrète que tout couple qui décide d'avoir un enfant doit en contrepartie désigner le parent qui mourra. Au sein de la Phalange, Matricule 717, doit veiller à l'application de loi.
J'ai adoré Futu.Re. C'est une excellente dystopie. La Terre est saturée dans cet avenir et pour cause : la formule de l'immortalité a été découverte. En Europe, chacun est donc immortel, et avoir un enfant n'est plus autorisé, pour cause de surpopulation. Les gens vivent dans des tours géantes, et il n'y a plus vraiment d'extérieur. Les fenêtres sont des écrans, les paysages de parc des hologrammes, la végétation est fausse, etc. Il n'y a pas d'enfants dans cette société, pas plus que de personnes âgées : ceux-ci sont parqués, les enfants à l'internat, où ils sont formés à devenir soldats, les personnes âgées dans des quartiers réservés. Et ils sont même tabous.
Futu.Re a cela d'original qu'il nous est raconté par un personnage des plus antipathiques. C'est un "Immortel" nommé Jan (ou 717, son matricule depuis l'enfance), qui retrouve les personnes qui ont des enfants non déclarés, et les punit, en vertu de la Loi du Choix (qui consiste en gros à dire "si tu veux être immortel, tu ne procrées pas, et si tu procrées, un des deux parents meurt"), aidé en cela par ses nombreux collègues, tous portant le masque d'Apollon (qui est le Dieu de la Lumière, mais aussi de la purification).
717 (et la plupart de ses congénères) sont persuadés de vivre dans une utopie. Mais une utopie construite sur des bases bancales, comme la plupart des utopies, à son avis. A ce titre, il cite Utopia de More, qui reposait selon lui sur les efforts de forçats. Cela permet de se trouver des excuses... Il se rappelle lui-même avoir été enlevé à sa mère, une mère qu'il déteste, qu'il n'a jamais revue, qu'il n'a pas le droit de connaître, qu'on lui a appris à haïr, et sur qui bien sûr il rejette toutes les fautes. Jusqu'au jour où il va rencontrer Annelie, la compagne d'un célèbre terroriste du Parti de la Vie qu'un sénateur l'a chargé d'assassiner...
717 est persuadé du bien-fondé de sa mission, ce qui nous donne un point de vue étonnant sur cette société qui nous parait folle et décadente, mais qui lui semble parfaitement normale (on pense à Equilibrium - oui moi j'aime bien ce film, na). On lit une histoire contée par un extrémiste de droite, homophobe, gérontophobe, pédophobe, xénophobe et avec un Œdipe non résolu. La totale, le produit représentatif de son époque, et certainement le meilleur moyen d'exprimer l'horreur de cette société.
L'utilisation de la dystopie prend tout son sens dans Futu.Re. Comme vous le savez celle-ci permet de critiquer un régime totalitaire sans le nommer, comme dans la dystopie la plus connue, 1984 d'Orwell. Ici, Glukhovsky s'en donne à cœur joie, non seulement avec son cher pays la Russie, mais aussi avec l'Europe et les États-Unis, dans une quasi-caricature de leurs comportements actuels. Glukhosvky dénonce la mainmise d'une élite dirigeante (et immortelle !) sur les lois, les médias et l'information. Il dénonce le capitalisme, notamment au travers du comportement des États-Unis qui eux vendent l'immortalité aux enchères et donnent des leçons au reste du monde. Il dénonce les privilèges des oligarques et des anciens empires coloniaux, la façon dont l'Homme pense que la Terre lui appartient etc. Impossible de ne pas accrocher à cette histoire, tant les thèmes abordés sont nombreux et pertinents.
Futu.Re a été une lecture très forte en émotions. Cela m'a rappelé un texte de Paolo Bacigalupi, publié dans le recueil La Fille Flûte intitulé Groupe d'intervention, à propos d'une humanité immortelle qui pourchassait et tuait les enfants et leur mère, et qui m'avait presque tiré des larmes. La parentalité est bien au centre de ce dur récit.
Autre thématique, celle des migrants, et pour le coup on est en plein dans l'actualité. Des migrants venus d'Afrique, du Moyen-Orient et d'Asie sont parqués dans la ville de Barcelone. Ils voulaient l'utopie européenne, l'immortalité, ils ont l'insalubrité, le mépris des autorités, et continuent de vieillir et mourir dans l'indifférence générale... En cela le point de vue de 717 est appréciable : on est vraiment du côté obscur de la Force, ce qui ajoute à l'indignation croissante du lecteur et à la force du propos.
Pour l'anecdote, on retrouve aussi une marotte de Glukhovsky, les fameux transports en communs : plus personne n'a de véhicule personnel, tout le monde prend le train, qui file à toute allure dans des tubes, comme un Métro à l'échelle européenne.
Finalement, Futu.Re est un récit initiatique trash à travers l'Europe, autour d'un jeune homme brisé dans son enfance, et de sa place dans cette société inhumaine dont il n'est qu'un pion. Malgré quelques longueurs (sur plus de 700 pages, c'est presque inévitable), le lecteur est entrainé dans la spirale infernale que devient la vie de Jan, un jeune homme perdu mais qui ira jusqu'au bout de ses convictions.
Pour résumer, j'ai adoré Futu.Re de Dmitry Glukhovsky publié chez L'Atalante. Ce roman est une dystopie convaincante, qui s'appuie sur l'érudition de son auteur autant que sur sa critique virulente des systèmes politiques et sociaux actuels (et pas que ceux de la Russie). Le narrateur y vit un voyage initiatique presque classique mais difficile, tout comme le lecteur à qui certains passages paraitront sordides, mais ils sont nécessaires. Voici un livre fort que je n'oublierai pas de sitôt. Pour info, il existe un site (en anglais, russe, espagnol...) consacré au roman, avec les premiers chapitres, des illustrations visuelles et sonores.
Dans un futur lointain, l'humanité est parvenue à manipuler son génome pour stopper le vieillissement et accéder à l'immortalité. En Europe, où la population avoisine le trillion de personnes, la loi du Choix décrète que tout couple qui décide d'avoir un enfant doit en contrepartie désigner le parent qui mourra. Au sein de la Phalange, Matricule 717, doit veiller à l'application de loi.
J'ai adoré Futu.Re. C'est une excellente dystopie. La Terre est saturée dans cet avenir et pour cause : la formule de l'immortalité a été découverte. En Europe, chacun est donc immortel, et avoir un enfant n'est plus autorisé, pour cause de surpopulation. Les gens vivent dans des tours géantes, et il n'y a plus vraiment d'extérieur. Les fenêtres sont des écrans, les paysages de parc des hologrammes, la végétation est fausse, etc. Il n'y a pas d'enfants dans cette société, pas plus que de personnes âgées : ceux-ci sont parqués, les enfants à l'internat, où ils sont formés à devenir soldats, les personnes âgées dans des quartiers réservés. Et ils sont même tabous.
Illustration du site Futu.re |
idem |
717 est persuadé du bien-fondé de sa mission, ce qui nous donne un point de vue étonnant sur cette société qui nous parait folle et décadente, mais qui lui semble parfaitement normale (on pense à Equilibrium - oui moi j'aime bien ce film, na). On lit une histoire contée par un extrémiste de droite, homophobe, gérontophobe, pédophobe, xénophobe et avec un Œdipe non résolu. La totale, le produit représentatif de son époque, et certainement le meilleur moyen d'exprimer l'horreur de cette société.
L'utilisation de la dystopie prend tout son sens dans Futu.Re. Comme vous le savez celle-ci permet de critiquer un régime totalitaire sans le nommer, comme dans la dystopie la plus connue, 1984 d'Orwell. Ici, Glukhovsky s'en donne à cœur joie, non seulement avec son cher pays la Russie, mais aussi avec l'Europe et les États-Unis, dans une quasi-caricature de leurs comportements actuels. Glukhosvky dénonce la mainmise d'une élite dirigeante (et immortelle !) sur les lois, les médias et l'information. Il dénonce le capitalisme, notamment au travers du comportement des États-Unis qui eux vendent l'immortalité aux enchères et donnent des leçons au reste du monde. Il dénonce les privilèges des oligarques et des anciens empires coloniaux, la façon dont l'Homme pense que la Terre lui appartient etc. Impossible de ne pas accrocher à cette histoire, tant les thèmes abordés sont nombreux et pertinents.
Idem |
Autre thématique, celle des migrants, et pour le coup on est en plein dans l'actualité. Des migrants venus d'Afrique, du Moyen-Orient et d'Asie sont parqués dans la ville de Barcelone. Ils voulaient l'utopie européenne, l'immortalité, ils ont l'insalubrité, le mépris des autorités, et continuent de vieillir et mourir dans l'indifférence générale... En cela le point de vue de 717 est appréciable : on est vraiment du côté obscur de la Force, ce qui ajoute à l'indignation croissante du lecteur et à la force du propos.
idem |
Finalement, Futu.Re est un récit initiatique trash à travers l'Europe, autour d'un jeune homme brisé dans son enfance, et de sa place dans cette société inhumaine dont il n'est qu'un pion. Malgré quelques longueurs (sur plus de 700 pages, c'est presque inévitable), le lecteur est entrainé dans la spirale infernale que devient la vie de Jan, un jeune homme perdu mais qui ira jusqu'au bout de ses convictions.
Pour résumer, j'ai adoré Futu.Re de Dmitry Glukhovsky publié chez L'Atalante. Ce roman est une dystopie convaincante, qui s'appuie sur l'érudition de son auteur autant que sur sa critique virulente des systèmes politiques et sociaux actuels (et pas que ceux de la Russie). Le narrateur y vit un voyage initiatique presque classique mais difficile, tout comme le lecteur à qui certains passages paraitront sordides, mais ils sont nécessaires. Voici un livre fort que je n'oublierai pas de sitôt. Pour info, il existe un site (en anglais, russe, espagnol...) consacré au roman, avec les premiers chapitres, des illustrations visuelles et sonores.
de Dmitry Glukhovsky
L'Atalante - septembre 2015
736 pages
Traduit du russe par Denis E. Savine
Illustration de couverture par Raphaël Defossez
Papier : 27€ / Numérique : 9,99€
Titre original : Будущее - 2013
Aaaaah quand je l'ai vu le nombre de pages est la seule chose qui m'a freiné ! Bon, avec ton avis je vais peut-être passer outre et me lancer dedans :) merci !
RépondreSupprimerVendu... ;-)
RépondreSupprimerMiammmmm, je veux, je veux.
RépondreSupprimerCa a l'air sympa, à voir si le côté antipathique du personnage ne me gêne pas trop !
RépondreSupprimer@Boo : effectivement il pèse son poids mais ça vaut le coup !
RépondreSupprimer@Yogo : en numérique, tu n'auras que les avantages ! (en plus il n'est pas trop cher pour une trad de plus de 700 pages)
@Cornwall : patience !
@Shaya : faut prendre sur soi. C'est lisible, audacieux mais pas toujours facile.
Tu le vends bien !
RépondreSupprimerJ'aurais presque envie de m'y intéresser même si je ne suis pas fan des dystopies (surtout quand elles font 700 pages !^^). ;)
Tu sais que Mr K a adoré cette lecture. Il a été tellement retourné et touché qu'il m'a donné envie de le lire à mon tour. Je le place dans ma PAL ^^
RépondreSupprimerC'est une tuerie. Que dire de plus...
RépondreSupprimerÇa donne envie !
RépondreSupprimerCe serait ton numéro 11 !
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