dimanche 15 juin 2014

☆ Continent perdu de Norman Spinrad

Je louchais sur Continent perdu de Norman Spinrad depuis un certain temps. Il fait partie de la collection Dyschroniques chez Le Passager Clandestin. C'est finalement un message d'appel à l'aide qui m'a décidée, en effet l'éditeur avait besoin d'une certaine somme pour sauver son activité. Cela a déclenché mon achat, d'ailleurs une faible contribution : 7 euros pour le livre et 1 euro de frais de port.

Dyschroniques est une collection qui a pour but de rééditer des nouvelles engagées des années 50 à la fin des années 70. On y retrouve de grands noms comme Brian Aldiss, Philippe Curval ou encore Poul Anderson.

Dans Continent perdu, Norman Spinrad nous offre un voyage dans une Amérique post-apocalyptique. Celle-ci s'est effondrée suite à ce que l'on appelle l'Âge de l'Espace. L'Afrique est maintenant la civilisation dominante, et ce sont donc des Africains qui vont découvrir un New York dévasté, guidés par un Américain qui les supporte uniquement parce qu'il souhaite se payer une place au soleil...

En une centaine de pages, Spinrad nous dépeint une Amérique défunte. Les principales villes sont en ruines, désertées par leurs habitants, et baignent dans une brume bleuâtre continuelle et mortelle. C'est dans ce contexte que s'est développée l'Afrique, maintenant devenue la civilisation dominante. 

Deux points de vue opposés nous permettent de mieux comprendre l'histoire : celui d'un professeur d'université africain, spécialiste de l'Âge de l'Espace, venu constater sur place la grandeur et la chute des États-Unis. Et puis celui du pilote qui va guider le groupe dans New York, qui lui voudrait réunir assez d'argent pour acheter sa place au soleil, même s'il a du mal à supporter les personnes qu'il transporte.

Les rôles sont inversés dans cette nouvelle, ce qui pourrait paraître jouissif, mais donne en fait un goût amer. Car après tout, une civilisation qui disparait, et une autre qui s'élève à ses dépens, ce n'est pas ce que l'on peut espérer de mieux pour le monde.

Spinrad, qui a écrit ce texte en 1970, nous parle ici à sa manière du racisme, du complexe de supériorité, sans pour autant mettre tous les individus dans le même panier. Il faut rappeler qu'à cette période aux États-Unis, de nombreuses révoltes ont lieu pour les droits civiques des noirs.

1970, c'est aussi l'année qui suit l'événement qui assoit la "supériorité" américaine : ils ont marché sur la Lune, et Spinrad imagine que c'est le début d'un Âge de l'Espace, âge d'or de la technologie qui entrainera le pays vers sa perte.

Prypiat, tout sourire...
Je ne dis pas que je n'aimerais pas aller y voir,
mais je crois que je n'aurais pas envie de sourire.
Cette visite de New York dévastée est impressionnante. Cela m'a fait penser aux gens qui vont maintenant visiter Prypiat près de Tchernobyl. D'ailleurs la réaction du pilote qui les guide, Ryan, est de considérer ces touristes comme des vautours venus contempler la déchéance de son pays. Ce qui n'est pas faux pour certains... L'auteur a utilisé les avancées technologiques de son temps pour imaginer l'avenir, qu'il décrit très sombrement. 

Le passage dans le métro, où Ryan fait rencontrer des Métroglodytes à son groupe, est prenant, par son côté anthropologique, mais aussi pour son parfait côté post-apocalyptique.

Ce que l'on peut retirer de cette lecture, c'est l'impression que Spinrad ne s'est pas trompé de beaucoup. Certes l'évolution de la technologie est bien moins rapide, et c'est l'Asie qui émerge plutôt que l'Afrique (qu'on suppose choisie pour le symbole), mais les États-Unis ne sont plus la nation ultra-puissante qu'ils ont été, même s'ils ont de beaux restes. Cependant, heureusement les choses se sont apaisées entre blancs et noirs, plutôt que de dégénérer et d'aboutir au renvoi de tous les afro-américains en Afrique !

Pour résumer, Continent perdu de Norman Spinrad, dans la collection Dyschroniques chez Le Passager Clandestin, parvient à toucher au but en une centaine de pages. Les États-Unis quasi inhabitables et en ruines sont crédibles et la visite New Yorkaise impressionnante. Les réflexions engagées, ancrées dans leur époque, sont percutantes et sombres. Je devrais sortir rapidement de ma PAL Les Années Fléaux, un recueil de trois nouvelles sur la décadence de l'Amérique, et éventuellement tenter d'autres textes de la collection Dyschroniques, s'ils sont de la même qualité.


 

5 commentaires:

  1. Acheté dans le même cadre, je l'ai lu la semaine dernière... Bien sûr on peut y voir une vision surannée du futur mais intéressante remise dans le contexte des années 70 (d'ailleurs les points de repère en annexe pour toutes les nouvelles de cette collection sont vraiment intéressants pour cela)

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