mardi 18 mai 2021

Les Oiseaux du temps d'Amal El-Mohtar et Max Gladstone

"Elle remonte et descend le fil du temps, tresse et défait les cheveux de l'Histoire."

Les Oiseaux du temps est une novella de SF et d'amour d'Amal El-Mohtar et Max Gladstone parue chez Mü Editions. Elle a reçu les Prix Locus, Nebula et Hugo en 2020.

La blogosphère s'est vite enflammée devant ce livre d'une part grâce à la couverture magnifique de Kévin Deneufchatel, d'autre part parce qu'il est question d'une histoire d'amour lesbienne épistolaire dans le temps ! Tout était réuni pour que la hype soit, et la hype fut !

Une chose de plus m'a vraiment accrochée, c'est le titre original This is how you lose the time war (parce que Les Oiseaux du temps c'est mignon, mais This is how you lose the time war, perso ça me fait décoller direct !!)

C’est ainsi que nous gagnons.
Bleu et Rouge, deux combattantes ennemies d’une étrange guerre temporelle, s’engagent dans une correspondance interdite, à travers les époques et les champs de bataille. Ces lettres, ne pouvant être lues qu’une seule fois, deviennent peu à peu le refuge de leurs doutes et de leurs rêves. Un amour fragile et dangereux naîtra de leurs échanges. Il leur faudra le préserver envers et contre tout.

👉 Les Oiseaux du temps est un livre remarquable : par son intrigue éclatée, par son parti pris poétique, par sa narration épistolaire, par ses personnages étranges toutes deux post-humaines mais de façon bien différente, par leur romance quantique ! 

Malgré cela, je n'ai pas eu la petite étincelle faisant de ce texte un coup de cœur. Je sais que ce titre est bon, il est excellent, c'est factuel, d'ailleurs il serait même passionnant à étudier en littérature au lycée par exemple, mais moi je suis restée un peu à côté, un peu en retrait. Snif.

Fan art de @Layahimalaya
L'AMOUR EST UN COMBAT

Dans le futur (enfin un ou des futurs possibles), deux factions se font la guerre : le Jardin et l'Agence. C'est une guerre étrange, déstructurée, car elle se déroule dans le temps. Il n'y a pas vraiment de passé, de présent et de futur, tout est emmêlé, les agents de chaque camp peuvent se balader partout et n'importe quand, pour essayer de faire en sorte que ce soit leur camp qui gagne, qui pré-existe ou subsiste. Pour cela, Rouge, qui travaille pour l'Agence et sa Commandante, et Bleu, qui travaille pour Jardin, sont envoyées sur des Brins (mondes qui ont été, auraient pu être, seront, sont...) et y effectuent de minuscules changements suffisant à leur donner l'avantage.

"Faites rouler un caillou, et dans trois siècles, vous obtiendrez une avalanche."

Un jour, Rouge trouve une lettre de Bleu. Celle-ci en lui envoyant un message lui signifie qu'elle l'a repérée, souhaite la faire apparaître corrompue aux yeux de sa hiérarchie, et joue avec elle. Mais Rouge répond d'une façon qui décontenance Bleu, et voici qu'elles commencent à se laisser des messages et apprennent à se connaître, à connaître le monde où (et quand) chacune d'elle a grandi et évolué. 

Soudain les ennemies communiquent, tour à tour poétesses, comiques, curieuses ou affamées l'une de l'autre. Bien sûr, il ne faut en aucun cas que leurs camps respectifs apprennent cet échange, ainsi leurs lettres sont bien dissimulées, dans un instant précis, dans des objets, des êtres, et s'autodétruisent une fois lues, ne subsistant que dans la mémoire de sa destinataire.

LE TEMPS, CONTEXTE ET PRÉTEXTE

Le récit est découpé en chapitres qui s'intercalent : une lettre, puis un chapitre dans le temps, une lettre, un chapitre dans le temps... Malgré le fait que les époques et les lieux se mélangent gaiement, la narration reste chronologique, montrant la progression des sentiments de Bleu et Rouge. Nous les retrouvons chacune dans un temps, un possible différent, semant les graines d'un futur souhaité par leur camp en début d'intrigue, puis par elles ensuite.

Dans cette histoire quantique, le chapitre sur L'Atlantide m'a marquée : Rouge déteste cet endroit, en avance sur son temps, qui sombre encore et encore. Les auteurs ont fait preuve de beaucoup d'imagination pour leurs voyages dans les temps possibles mais à la fois c'est là que j'ai eu un goût de trop peu. Le temps permet bien sûr à Bleu et Rouge d'interagir d'une façon impossible, et il est de fait surtout un contexte à l'histoire d'amour, un écrin que j'aurais aimé explorer un peu plus. Je sais c'est une novella, et on se concentre sur nos deux amoureuses, mais en tant que lectrice de SF, il m'a manqué quelque chose. C'est totalement, entièrement personnel.

HUMOUR, DRAME ET POÉSIE

J'ai été étonnée de voir comme les lettres de Bleu et Rouge, pourtant dans une situation désespérée puisque leur amour est censé être impossible, sont bourrées d'humour. Chacune trouve toujours le petit mot qui fera sourire, comme lorsqu'elles se saluent en tout début de lettre : "Très chère #0000FF" ou "Mon Cyanotype", "Chère Fraise"... 

Le travail sur le champ lexical est d'ailleurs passionnant. Rouge vient d'un monde robotisé, c'est une post-humaine augmentée, son champ lexical est donc celui de l'informatique, de la machine tandis que Bleu représente la nature, son monde est Jardin, elle utilise donc cette tournure de pensée pour s'exprimer : planter des graines, sentir le soleil sur sa peau... La métaphore filée de la faim est excellente également et mène à un paradoxe délicieux. Je pense que ce texte mérite d'être lu et relu aussi pour ses qualités littéraires !

👉 Les Oiseaux du temps est une novella remarquable. Amal El-Mohtar et Max Gladstone ont effectué un travail formidable d'un point de vue littéraire. Cette histoire d'amour lesbienne et quantique est une réussite incontestable. Je pense que le contexte aurait mérité d'être développé, mais le parti pris des auteurs de mettre en avant la romance de Rouge et Bleu ne se discute pas, quitte à "lose the time war" ! A lire et faire lire ! C'est chez Mü Editions.

D'autres avis : Ours inculte, Lullaby, Yuyine, Yogo, Elessar, Célindanaë, Vanille, Petite critique

Les Oiseaux du temps
d'Amal El Mohtar et Max Gladstone
Mü Editions - Mai 2021
192 pages
Traduit par Julien Bétan
Couverture de Kévin Deneufchatel
Papier : 19€ / Numérique : pas pour l'instant
Titre original : This is how you lose the time war - 2019

8 commentaires:

  1. Snif snif pour toi et la petite déception. C'est quand même cool que ça soit bien appréciable même sans le coup de cœur, ça me rassure un peu. ^^
    "Une chose de plus m'a vraiment accrochée, c'est le titre original" : tellement, on ne répétera jamais assez combien ce titre est incroyable.
    "leur romance quantique" : woh, doucement sur les gros mots ! 👀

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    1. THIS IS HOW YOU LOSE THE TIME WAR quel titre !!!!!

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  2. Complètement d'accord avec toi sur la qualité littéraire de cet échange et le regret sur l'absence de développement du contexte. En fait c'est tellement intéressant qu'on en veut plus!

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  3. Bon on verra si j'accroche ou pas. J'ai beaucoup d'attentes donc je ne vais pas me précipiter, ça m'évitera de passer à côté ^^

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  4. Je n'ai pas accroché non plus, trop nébuleux pour moi mais c'est un grand livre...

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