Un papillon dans la Lune: American Fays d'Anne Fakhouri et Xavier Dollo

mardi 2 décembre 2014

American Fays d'Anne Fakhouri et Xavier Dollo

American Fays est un roman de fantasy urbaine écrit à quatre mains par Anne Fakhouri et Xavier Dollo, et publié par les Éditions Critic pour leur cinquième anniversaire. Il bénéficie d’une couverture rigide au dos toilé, illustrée par Xavier Collette, ce qui lui confère le statut de bel objet-livre !

Ce Chicago de 1925 a tout du chaudron prêt à exploser. Entre les Leprechauns mouillés dans la fabrication de faux billets et les gangs qui s'activent en coulisses pour s'emparer des marchés de l'alcool et des speakeasies, autant dire qu'il y a de l'orage dans l'air. Et tandis qu'Al Capone tente de retrouver son influence sur la ville, voilà que des Drys, farouches partisans de la Prohibition, sont atrocement assassinés.

Scarface devient, aux yeux des autorités, le suspect idéal. Furieux et persuadé que les Fays sont dans le coup, il charge une bande de chasseurs de Fays, les No Ears Four, de débusquer les véritables coupables.

Pour Old Odd et son équipe, les ennuis ne font que commencer. Contraints de plonger dans les entrailles d'une ville corrompue et en proie aux guerres des gangs, les quatre nettoyeurs ont intérêt à se serrer les coudes s'ils veulent survivre à la tempête qui s'annonce. Car, quand la Fayrie est impliquée, mieux vaut ne pas trop traîner dans l’œil du cyclone !

Dans une Amérique alternative des années 1920, les êtres magiques, appelés Fays, ont fait leur coming-out depuis longtemps et co-existent avec les humains. Ils sont tolérés, et protégés par des lois spécifiques. Le roman se situe dans un Chicago qui tient plus de l’imaginaire collectif que de la réalité historique pure, nourri par diverses références cinématographiques : Le Parrain, Les Incorruptibles ou encore Certains l’aiment chaud et son côté burlesque. Le background est soigné, entre Prohibition, mafias, speakeasies, jazz, putes, racisme et Ford T.

Côté intrigue, des meurtres de personnalités en faveur de la Prohibition sont injustement imputés à Al Capone. Le mafieux envoie les No Ears Four faire la lumière sur cette affaire et l’innocenter. American Fays a donc une odeur de polar dès les premières pages.

Les No Ears Four, quatre gangsters “chasseurs de fays” aux ordres de Scarface, ont fait leur première apparition en 2013, dans la nouvelle Du Rififi entre les oreilles d’Anne Fakhouri (On the PAL depuis la dernière opération numérique de L'Atalante) tirée de l’anthologie Elfes et assassins. La caricature n’est pas loin : un chef bourru, un jeune idéaliste, un assassin impitoyable, une brute ignare, une tenancière de bordel grande gueule ou encore une jeune fille à la recherche de l’amour... Heureusement, leurs aventures donnent lieu à des dialogues savoureux, certains personnages étant dotés d’une belle répartie.

Les auteurs déroulent une histoire bourrée de mythes pour donner vie à leurs Fays : certains sont originaires d’Europe de l’Est (le Golem), du Sud (Dryades) ou encore de Grande Bretagne et d’Irlande (Pixies, Leprechauns…). Ils puisent aussi dans les références télévisuelles familières aux trentenaires, La Vieille-Du-Tas-D’Ordures est en effet l’alter ego de La Grande Crado des Fraggle Rock, et inventent avec humour la “Fay du logis”. En rapport avec les arts, ils créent des êtres plus lumineux, telle la déesse qui transforme les enfants en jazzmen prodiges. Enfin, les auteurs nous offrent un des meilleurs passages du roman avec quelques chapitres quasi-Gaimaniens, à travers un voyage onirique reprenant des contes bien connus.

Les connaisseurs auront repéré le clin d’œil adressé à Lasser, le détective privé looser au service des dieux égyptiens de Sylvie Miller et Philippe Ward, qui fait déjà espérer à certains un crossover entre les deux univers !

Pour résumer, American Fays d'Anne Fakhouri et Xavier Dollo (alias Thomas Geha) aux Editions Critic se révèle une Fantasy urbaine divertissante, fun et légère, doublée d'un bel objet. Je regrette les personnages caricaturaux, une écriture parfois lisse, et une dernière scène d’action qui traîne en longueur. Le passage autour des contes reste pour moi le meilleur, je l'ai encore en tête. Cependant, je crois que je préfère continuer à lire les deux auteurs en solo, ayant déjà eu de nombreux coups de cœur grâce à eux (Le fabuleux Narcogenèse d'Anne Fakhouri, et l'indispensable A comme Alone de Thomas Geha par exemple).