Peut-on écrire des histoires dans lesquelles il n’y aurait ni guerre, ni conflit, ni violence ?
Un vrai défi qu’ont relevé avec talent, sensibilité et humour neuf des
plus belles plumes de l’imaginaire en France sous la direction
de Laurent Gidon.
Mon avis :
Offerte pour l'achat de deux livres papier ou numériques ActuSF, Contrepoint est une anthologie originale qui prend donc le contre-pied de ce qui s'écrit généralement aujourd'hui. Cet ouvrage, dirigé par Laurent Gidon, nous présente neuf textes qui seraient sans violence ni conflit.
Je dis bien qui seraient, car je n'y croyais pas vraiment en entendant parler de ce livre pour la première fois sur le RSF Blog. Dubitative j'étais. Comprendre vous allez.
D'une part, j'aime la violence dans les histoires, je l'assume. Du sang, des morts, des maladies dégueu, des "meurtes ignob'" (spécial dédicace à Sœur Marie-Thérèse des Batignolles), que du bonheur pour moi. D'autre part, j'estimais quasiment impossible, et en tous les cas très difficile pour un auteur d'écrire une nouvelle sans conflit (pas la moindre dispute ? pas la moindre insulte ? Aucune baston ?), enfin du moins sans tomber dans la niaiserie la plus totale au pays des poneys-papillons.
Sans grande surprise, même si des auteurs comme Sylvie Lainé, Xavier Bruce ou encore David Bry s'en sont bien tirés, il faut avouer que certaines nouvelles sont carrément hors sujet, si l'on tient compte de l'unique contrainte : pas de violence, pas de conflit.
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L'amour devant la mer en cage de Timothée Rey, je vais la faire courte car je n'ai pas compris, je ne suis pas entrée dedans, niet, que dalle. Bon.
Le chercheur de vent de David Bry est l'histoire du passage à l'âge adulte d'un jeune garçon au travers d'une épreuve rituelle : il va devoir voler de ses propres ailes, une belle métaphore. Ce qui est dommage c'est que l'enjeu est minime, on se doute bien qu'il va y arriver sans trop de souci, on ne s'inquiète pas. On s'ennuie un peu. Par contre, le contrat est rempli, pas de violence, pas de conflit.
Petits arrangements intra-galactiques de Sylvie Lainé est une histoire plutôt drôle, d'un homme qui, son vaisseau en panne, s'échoue sur une planète répertoriée mais laissée de côté par la colonisation pour une raison indéterminée. Il y rencontre des êtres étonnants. C'est un texte sur l'autre et le fait qu'il ne faut pas juger au premier regard. Contrat rempli ici aussi, et haut la main !
Nuit de visitation de Lionel Davoust prend place dans l'univers de Léviathan. Je n'ai pas encore eu le plaisir de le découvrir, mais après cette lecture, ça ne saurait tarder. Ce texte sur la culpabilité et le retour sur soi avant la mort est très beau. Petit bémol : à l'origine de l'histoire, une dispute. Hin hin. Contrat presque rempli cela dit.
"Il faut toujours viser la Lune car, même en cas d'échec, on atterrit parmi les étoiles." Oscar Wilde
Tammy tout le temps de Laurent Queyssi est un genre de psychanalyse virtuelle, demandant au psychanalysé de revivre les événements qui l'ont traumatisé. L'événement en question, bien qu'évoqué en une ou deux phrases, suffit pour que je dise que ce texte est violent. Ce genre de sujet, dans une anthologie non-violente, ne cadre pas du tout pour moi.
Avril de Charlotte Bousquet est une histoire d'amour sur fond de post-apo. C'est un texte quasi non-violent et surtout très bien écrit. Je n'avais pas encore goûté à la plume de Charlotte Bousquet, je me relaisserai tenter.
Permafrost de Stéphane Beauverger, c'est la nouvelle (avec celle de Thomas Day) pour laquelle tout le monde a l'air d'être d'accord. Sur fond de rassemblement pour la paix de plusieurs tribus, on a droit à de la colère plus ou moins exprimée, et surtout un meurtre. Ignob'. Donc bien que l'enjeu soit clairement la paix, l'auteur nous raconte une histoire de guerre, de violence, de conflits. Lorhkan l'a trouvée borderline, moi je trouve que Beauverger dépasse largement les bornes des limites. Le coquin.
Mission Océane de Xavier Bruce nous permet un retour dans le sujet : c'est encore un récit poétique sur l'autre, la différence et la capacité à accepter ces différences pour avancer, aller plus loin. Et ce n'était pas gagné en commençant par nous mettre un narrateur militaire ! Une lecture sympathique, plutôt courte, jolie, pas inoubliable.
Semaine utopique de Thomas Day est la nouvelle du recueil que chaque lecteur qui connait un peu le monsieur attendait avec curiosité. On attend surtout de le nous raconter une histoire d'elfes mignons et de licornes qui font des cacas papillons. Mais vous vous doutez que si TD mettait une licorne et un elfe dans une histoire, le petit être se prendrait sûrement une belle corne dans le derrière. Ici, il a décidé de nous raconter la semaine d'un auteur à qui on demande un texte non-violent. Il a d'ailleurs plusieurs idées de synopsis qu'il va joyeusement nous expliquer. C'est un texte ironique, provoc', comme on s'y attendait. On aime ou on n'aime pas. J'aime la démarche originale, beaucoup moins le contenu, puisque totalement hors-sujet.
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Sinon, petit retour sur la couverture qui m'éclate, et en tous cas même si elle ne vous plait pas, je suis sûre qu'elle vous interpelle. Elle est de Roberlan Borges. Moi j'aurais voulu qu'il m'explique d'où il sort tout ça. Je kiffe.
Pour résumer, Contrepoint est une anthologie qui se lit rapidement. Le contrat était de nous proposer des textes non-violents, sans conflits ni guerres. A mon avis, il n'est que semi-rempli, et c'est dommage. Les nouvelles sont agréables à lire même si certaines manquent d'enjeu ou d'épaisseur. D'autres se détachent du lot. Je pense encore au mec déguisé en sapin bleu sauteur de Sylvie Lainé qui m'a bien fait rire, et je compte bien découvrir dès que possible l’œuvre de Lionel Davoust. Pour 0€, vous ne serez évidemment pas déçu, l'objet livre en lui-même étant déjà fortement sympathique !
Lecture n°18 dans le cadre du challenge Je lis des nouvelles et des novellas |
J'aurais dit au pays des ânes papillons mais finalement on s'en fout ^^
RépondreSupprimerLe cycle des Numinés de Charlotte Bousquet, c'est très très bon.
RépondreSupprimerJe l'ai lu la semaine dernière, j'ai à peu près le même avis. Et je suis bien d'accord, la couverture interpelle (ça mériterait une analyse approfondie d'ailleurs parce que je ne sais pas exactement pourquoi xD)
RépondreSupprimerPour le premier texte : le contrat est rempli. il n'y a pas une once de violence ou de conflit (tout n'est qu'amour - pour ce que j'en ai compris).
RépondreSupprimerEt pourquoi penses-u que la nouvelle de Thomas Day est hors-sujet pour cette anthologie Yoda-Lune ? curieuse je suis
Ok hors-sujet est peut-être un peu violent haha.
RépondreSupprimerJe ne vais pas t'expliquer la violence de ce texte, dans lequel je te l'accorde, rien de violent ne se passe ailleurs que dans la tête du narrateur. Mais bon c'est de la violence, certes tant que c'est dans ta tête ça n'existe pas, mais là il nous raconte ce qui lui passe par la tête, et c'est très violent. C'est un peu comme si tu regardais un film sur les bisounours et que le narrateur bisounours faisait des cauchemars la nuit qu'il raconte, genre il tue des poneys et sodomise des coccinelles. La violence ne serait que dans sa tête, mais elle serait aussi dans tes yeux. Donc film violent ou pas ? Réponse oui. C'est idem ici, et comme le sujet c'était pas de violence... Qu'en penses-tu ? (il est 8h du matin et tu me fais réfléchir !!!)
Merci pour cette lecture très argumentée.
RépondreSupprimerIl y a peut-être un léger contresens sur le thème de l'antho : il était seulement demandé aux auteurs d'imaginer une histoire sans utiliser le conflit (ou la menace, ou la compétition...) comme ressort narratif. Ce qui paraît en effet très difficile dans des littératures de l'imaginaire souvent gagnées par les réflexes - et l'efficacité - du thriller.
Mon grand plaisir serait que ces nouvelles soient lues comme de bonnes ou de mauvaises histoires, sans référence à la contrainte. Pari souvent gagné, heureusement.
Merci pour ta précision Laurent !
RépondreSupprimerDu coup niveau notion d'écriture je suis perdue : un ressort narratif c'est quoi exactement, ça veut dire que la violence qui a pu être distillée dans les nouvelles par des moyens détournés (pensées, vieille dispute, agression sexuelle ancienne...) ne sont pas des ressorts narratifs ?
Je n'ai pas oublié la contrainte car par rapport à mes lectures habituelles elle était très éloignée ;-)
On peut sans doute trouver certaines nouvelles un peu limites par rapport à la contrainte de départ, mais au final j'ai pris les nouvelles pour ce qu'elles sont et j'ai bien aimé (enfin pas toutes...^^) !
RépondreSupprimerLes nouvelles sont très bien pour la plupart, mais je trouve que la consigne est vraiment importante, trop pour être oubliée, j'ai effectué ma lecture dans l'optique non-violente !
RépondreSupprimerPar "ressort narratif", je voulais dire "ce qui articule ou fait avancer l'histoire".
RépondreSupprimerOn peut trouver de la violence dans Contrepoint, ou du conflit, mais la résolution du conflit n'est pas le sujet de la nouvelle. C'est parfaitement illustré pour moi par le texte de Thomas Day, qui se positionne en conflit avec la contrainte (autant qu'avec lui-même), mais part sur des pistes exploratoires sans résolution du conflit. Le texte de Stéphane Beauverger peut paraître plus limite, mais il symbolise pour moi l'effort douloureux d'un auteur pour se passer des recettes efficaces auxquelles il est entraîné.
Mais bien entendu ça se discute, et c'était aussi une des ambitions de ce petit livre.
D'accord donc finalement Thomas Day nous a raconté la vie pas très intéressante d'un auteur amateur de drogue et autres distractions, ce qui est donc la véritable histoire effectivement, et ses idées, son imaginaire violent, ne font pas avancer "l'intrigue" en elle-même, vu que si on les enlève, l'histoire, aussi chiante soit-elle, existe toujours. Soit.
RépondreSupprimerDu coup je comprends, mais je n'avais pas pris cela comme ça au départ, le résumé disant tout de même "Peut-on écrire des histoires dans lesquelles il n’y aurait ni guerre, ni conflit, ni violence ?", mais comme de juste, c'est un résumé, j'aurais dû approfondir !
Merci encore de passer m'expliquer ;-)